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Hilf al-Fudul

Voici un événement d’une importance majeure pour la compréhension de l’Islam. C’est, avec le mariage à Khadija, le dernier évenement connu de la vie de Muhammad, 20 ans avant la descente du Qur’an.

Il s’agit d’une alliance de plusieurs clans mecquois, visant à défendre les personnes en marge, sans protection d’un clan. Ce pacte est lancé par Al Zubayr ibn ‘Abd al Muttalib, l’oncle de Muhammad, qui déclare “par ce pacte l’étranger pourra renverser ceux sous protection locale, Al-fudul fit qu’il ne restera au coeur de La Mecque aucune injustice.”

Hilf al-Fudul (en arabe : حِلْفُ الفُضُول), le plus souvent traduit par Pacte des vertueux1, est une alliance parmi les Quraysh conclue en 590 à La Mecque2, en vue établir la justice pour tous par l’action collective, en particulier pour ceux qui n’avaient aucun lien de protection avec une tribue. La participation du futur prophète de l’Islam Mahomet lui donne un rôle important dans l’éthique islamique.

Contexte historique

La création du Hilf al-Fudul a lieu 20 ans après l’année de l’éléphant, en 590 CE, au retour de Quraysh de la bataille de Fijar : la bataille de Fijar a eu lieu à Shawwal et Hilf al-Fudul a été faite à Dhu l-Qa’da.3 Cette guerre permet aux Mecquois de reprendre des perses le contrôle de la route commerciale entre Al-Hirah et le Yémen4.

Le principe mecquois de hilf, conçu plut tôt par Hachim ibn Abd Manaf consistait à établir de nouvelles alliances entre marchands de rangs équivalents, qu’ils soient mecquois ou étrangers. Cela permettait de former des alliances commerciales en dehors de La Mecque et de modifier la balance du pouvoir à l’intérieur de la société mecquoise. La pratique pouvait être à l’origine de nouveaux clans, comme ce fût le as pour les Banu Fihr1. Ces alliances transformèrent la socialisation tribale traditionelle et les relations sociales mecquoises. 5.

Le succès des nouvelles institutions mise en place par Hashim, le hilf, mais aussi le ilaf, qui permet des accords commerciaux, vont déborder la structuration tribale traditionelle des Quraysh. Les nouvelles alliances devenant plus structurantes que les liens de parentés et les rapports de solidarités. Un clan était maintenant formé autour d’un sayyid, marchand, et ses alliés halif. Des marges se forment en dehors de la structuration tribale, des esclaves,qinn, et des mawla, ancien esclaves, personnes endettés auprès des marchands, et le surplus des tribues environnantes, parfois endettés également, venant travailler à La Mecque15.

Déclenchement

Un marchand yéménite de la tribue Zabid est arrivé à La Mecque avec des marchandises, qu’il a vendu à Al-As ibn Wa’il al-Sahmi (Banu Sahm, le père de Amr ibn al-As) l’un des nobles Quraysh. Sachant que le yéménite n’avait aucun allié, il a ensuite refusé de le payer. Le Zabidi a demandé l’intervention des Quraysh mais ils ont refusé d’intervenir, à cause de la position d’Al-As ibn Wa’il. Plus tard, le vendeur a décidé de monter sur Abu Qubays, une montagne près d’al-Masjid al-Haram et a répété à haute voix des poèmes appelant à la justice :

« يا للرجال لمظلوم بضاعته ببطن مكّة نائي الدار والنفر

ومحرم أشعث لم يقض عمرته يا للرجال وبين الحجر والحجر

إنّ الحرام لمن تمت كرامته ولا حرام لثوب الفاجر الغدر »

— Ibn KathirSirat Al Nabawiyya [archive]

« ô les hommes lésés dans leur bien au cœur de La Mecque, distant de sa maison et ses gens

Un protégé transgressé qui n’a pas troqué ses jours, ô les hommes entre al-Hijr et la pierre

Certes l’interdit pour qui l’honneur est achevé, pas l’interdit pour l’immorale traitrise »

— Ibn KathirHistoire des Prophètes

Le Pacte

Al-Zubayr ibn Abd al-Muttalib, l’oncle du prophète Mahomet et l’un des anciens de Quraysh, fut la première personne à parler de Hilf et à y inviter les gens6Mahomet, le futur prophète de l’Islam alors agé de 30 ans prend par au pacte. Les anciens de plusieurs clans mecquois se sont réunis à Dar al-Nadwa, au Nord de la Kaʿba, qui hébergeait l’assemblée des notables (malaʾ), et ont accepté de revendiquer les droits du vendeur. Puis, ils se sont réunis dans la maison de ‘Abd Allah b. Jud’an al-Taymi7. Ils ont convenu entre eux que si un étranger ou quelqu’un de La Mecque était traité injustement, ils l’aideraient à réclamer son droit à l’oppresseur, et se sont engagés à respecter les principes de justice et intervenir collectivement dans les conflits pour établir la justice. Le pacte créé une protection pour les personnes qui ne sont pas rattachés, et donc défendus par un clan ou une alliance parmi les mecquois. Hilf al-Fudul fût considérer le pacte le plus honorable et le plus noble qui soit resté parmi les Arabes jusque-là, d’où son nom. Al-Zubayr ibn Abd al-Muttalib déclama les vers suivants :

« حلفت لنعقدن حلفا عليهم … وإن كنا جميعا أهل دار

نسميه الفضول إذا عقدنا … يعز به الغريب لذي الجوار و يعلم من حوالي البيت أنا … أباة الضيم نمنع كل عار

و قال الزبير أيضا :

إن الفضول تعاقدوا و تحالفوا … ألا يقيم ببطن مكة ظالم

أمر عليه تعاقدوا و تواثقوا … فالجار و المعتر فيهم سالم »

— Ibn KathirSirat Al Nabawiyya [archive]

« “Je jure, faisons un pacte contre eux, bien que nous ne soyons qu’une tribue.

Nous l’appellerons al-fudul; si nous en faisons un pacte l’étranger pourra renverser ceux sous protection locale, Et ceux qui tournent autour de la Ka’ba sauront que nous rejetons l’injustice et préviendrons toute traitrise”

Et dis plut tard :

“Al-fudul fit qu’il ne restera au coeur de La Mecque aucune injustice,

Ce fût un sujet largement accepté qui fit qu’un étranger sans porotection était sauf au milieu d’eux.” »

— Ibn KathirHistoire des Prophètes

Pour rendre le pacte impératif et sacré, les membres sont entrés dans la Ka’aba et ont versé de l’eau dans le récipient pour qu’elle coule sur la pierre noire. Alors chacun y but. Ensuite, ils ont levé la main droite au-dessus de leur tête pour montrer qu’ils seraient solidaires dans cette entreprise. Le pacte a été écrit et placé à l’intérieur de la Ka’aba8. Puis ils sont allés à al-As ibn Wa’il et lui ont pris ce qu’il devait au Zabidi et l’ont remis. Un autre aspect du pacte était qu’il ouvrirait le marché de la Mecque aux marchands yéménites, qui sans lui en aurait été exclus4.

Les Clans Mecquois

Les clans Quraysh qui forment le hilf sont Banu HachimBanu ZuhrahBanu MuttalibBanu Asad et Banu Taym. M. Watt note la continuité avec le hilf al-Muthayyabun (le pacte des parfumés), lors du conflit de sucession de Qusay, à l’exception notable des tribus ‘Abd Shams et Nawfal, qui s’étant enrichis dans leurs affaires commerciales avaient rejoint les Ahlafs (les confédérés, principalement Banu Makhzum et Banu Sahm) en 9059.

Pour Watt, les ‘Abd Shams et Makhzum ayant pris le contrôle du commerce avec le Yémen, si les marchands Yéménites ne venaient plus à La Mecque, les autres clans auraient été définitivement exclus du commerce avec ce pays. M. Watt note que les musulmans qui ne s’exilèrent pas en Abyssinie faisaient parti des tribues du hilf al fudhul, et que lors de la bataille de Badr, ces clans sont toujours en oppositions puisque tous les chefs Mecquois proviennent des clans plus puissants. 1,4.

Suites

Ce pacte a marqué le début d’une certaine notion de justice à La Mecque, qui serait plus tard répétée par Mahomet lorsqu’il prêcherait l’islam10Mohamet continuera plus tard de reconnaitre la validité et la valeur du pacte, bien que la plupart des membres soient non musulmans. Plus tard, après avoir proclamé l’islam, il dit : ” Dans la maison d’Abdullah ibn Jud’an, j’étais présent à une alliance qui était telle que si j’étais invité à y participer maintenant en Islam, je le ferais encore.” Son mariage et sa participation au Hilf al-Fudul sont les derniers évenements historiques connus de Mahomet avant l’Islam. Il a alors 20 ans et les 20 années suivantes de sa vie sont peu documentées111213.

A l’époque omeyyade, à certaines occasions des menaces ont été faites de faire appel à nouveau à ce pacte. Par exemple, sous l’ère du calife Muʿawiya IerAl-Walid ibn Utba ibn Abi Sufyan (‘Abd Shams) s’appuyant sur le fait qu’il était le neveu du calife, a commis une injustice au détriment d’Al-Hussein ibn Ali a propos de certains bien qu’ils possédaient en commun. Al-Husayn, scandalisé par la démarche arbitraire du gouverneur Omeyyade, déclara que si Al-Walid ne reconnaissait pas ses droits,il ferait appel à l’alliance du Fudul. Des Mecquois influents, tels que Abd Allah ibn az-Zubayr (Assad), Al-Miswar bin Makhrama Al-Zuhri et ‘Abd al-Rahman ibn Uthman al-Taymi ont juré de l’aider conformément aux engagements du pacte et et le gouverneur al-Walld, troublé par la peur des conséquences possibles, a cédé à tous égards à al-Husayn.13.

La participation du futur Prophète Muhammad est important pour plusieurs raisons :

– Il s’inscrit dans un conflit de longue durée au sein des Quraysh, entre les clans puissants, en particulier Banu Makhzoum et Banu Umayyah, et ceux plus faibles, dont les Banu Hashim et Muttalib, la famille du Prophète. Les clans Quraysh ici prit en flagrante injustice, seront les mêmes qui persecuteront les premiers musulmans et seront en conflit armé avec l’Islam de Badr jusqu’à la prise de La Mecque.

– Il montre la destruction du lien social de la société mecquoise à l’époque du prophète, et comment la disparition des solidarités familiale et tribale créé de nombreuses situations d’injustice. L’Islam par la suite visera à rétablir les solidarités, et formera un nouveau groupe, dont le lien par la foi transcendera les anciennes solidarités familiales puis économiques.

– Les premières sourates Mecquoises insistejnt sur la justice dans les transactions, l’importance de la solidarité, en particulier auprès des orphelins, la suffisance des riches, l’avenir catastrophique des sociétés injustes.

Il montre que Muhammad prennait déjà parti 20 ans avant la révélation pour les personnes sans défense. Ses amis avant l’Islam et les premiers convertis sont des esclaves, affranchis ou non et des mawla. Ils montrent également des proximités avec le hilf al fudul, (dont la “yéménite connection”) :

— Son fils adoptif Zayd ibn Haritha est un esclave libéré par Muhammad

–Ammar ibn Yassir , enfant d’esclave, était déjà un de ses amis avant l’islam.

— Bilal, un des tous premiers convertis est un esclave noir

–Suhayb al Roumi, affranchis venu de Byzance à La Mecque, est un ami de Abdallah ibn Jubayn qui hébergea le hilf al fudul

— Miqdad Ibn Aswad, un mawla en fuite du Yémen, va épouser Duba’a, la fille d’Al Zubayr abd al Muthalib, l’oncle de Muhammad à l’initiative du hilf al fudul.

— Khabbab ibn al Aratt et ‘Amir ibn Fouhayra sont des esclaves et font partis des tous premiers convertis

Ce sont eux qui vont subir de plein fouets les persécutions des Quraysh. Rejoignent également des bédouins de tribues pauvres dont Abu Dharr al Ghifari, qui restera un défenseur des pauvres et de la justice toute sa vie. Abu Mussa al Ashari, un des tous premiers convertis et référence pour le Coran vient du Yémen.

Khadija la femme du prophète fait parti d’un clan du hilf, ils se marient a peu près au moment du pacte. Abu Bakr et les convertis qu’il emmenne avec lui font tous partis des clans du hilf.

Tous ces éléments montrent que les débuts de l’Islam sont ancrés dans un combat pour la justice. Watt note que les musulmans qui ne s’exilèrent pas en Abyssinie faisaient parti des tribues du hilf al fudhul. Cela interroge, car le hilf ne réussit pas à apporter protection aux personnes sans famille face aux persécutions anti musulmane de Quraysh. Le premier groupe de musulman semble poursuivre une reconnaissance, mais aussi radicalisation du hilf, en regroupant en pratique les personnes subissant l’injustice. Le groupe rassemblé autour de Muhammad va se heurter à un très vive opposition des principaux clans de Quraysh lors de la proclamation des premières sourates du Coran.

Bibliographie

  • M. Watt, Mahomet
  • H. Lammens, La Mecque à la veille de l’Hégire, 54 sq.
  • M. Hamidullah, Le prophète de l’Islam, Paris 1959, i, 47-8. (Cn. PELLAT)
  • Ibn Hisham, Sira, éd. Sakka

Notes et références

  1. ↑ Revenir plus haut en :a b c et d Ibrahim, Mahmood (Aug. 1982). “Social and Economic Conditions in Pre-Islamic Mecca.” International Journal of Middle East Studies14(3): 355. Cambridge University Press.
  2.  Muhammad Yusuf Guraya, « JUDICIAL INSTITUTIONS IN PRE-ISLAMIC ARABIA », Islamic Studies, vol. 18, no 4,‎ 1979, p. 338 (ISSN 0578-8072lire en ligne [archive])
  3.  Aḥmad b. Abī Yaʿqūb al-Yaʿqūbī, Tārīkh al-Yaʿqūbī, vol. 2, p. 18.
  4. ↑ Revenir plus haut en :a b et c Watt, W. M. Muhammad: Prophet and StatesmanOxford University Press.
  5. ↑ Revenir plus haut en :a et b Eric R. Wolf, 1951, The Social Organization of Mecca and the Orgins of Islam, University of Chicago, Southwestern Journal of Anthropology, Volume 7, Number 4 [1] [archive]
  6.  OBAIDULLAH FAHAD, « Tracing Pluralistic Trends in Sīrah Literature: A Study of Some Contemporary Scholars », Islamic Studies, vol. 50, no 2,‎ 2011, p. 221 (JSTOR 41932590)
  7.  Najeebabadi, Akbar Shah. The History of Islam. Darussalam publishers. p. 101.
  8.  Chelhod, Joseph (Nov. 1991). “La foi jurée et l’environnement désertique.” Arabica38(3): 301.
  9.  Watt, W. Montgomery (1986). “Kuraysh”. Encyclopedia of Islam. Vol. V: Khe–Mahi (New ed.). Leiden and New York: Brill. pp. 434–435. ISBN 90-04-07819-3
  10.  Peterson (2006), p. 43
  11.  François Déroche, « Mahomet », dans Mohammed Ali Amir-Moezzi (dir.), Dictionnaire du Coran, Robert Laffont, 2007
  12.  Maxime Rodinson, Mahomet, Seuil, Paris, 1968, rééd. 1993.
  13. ↑ Revenir plus haut en :a et b (it) Leone Caetani, Annali dell’ Islam, Milan, Ulrico Hoepli, 1905-1926 (lire en ligne [archive]).

Jésus : Allah l’a élevé vers Lui

Le Coran revient sur le récit de la crucifixion, et l’intelligence du propos n’a pas toujours été comprise. Voici le texte de la sourate Al Nissa :

  • وَقَوْلِهِمْ إِنَّا قَتَلْنَا الْمَسِيحَ عِيسَى ابْنَ مَرْيَمَ رَسُولَ اللَّهِ
  • وَمَا قَتَلُوهُ
  • وَمَا صَلَبُوهُ
  • وَلَٰكِنْ شُبِّهَ لَهُمْ ۚ
  • وَإِنَّ الَّذِينَ اخْتَلَفُوا فِيهِ لَفِي شَكٍّ مِنْهُ ۚ
  • مَا لَهُمْ بِهِ مِنْ عِلْمٍ إِلَّا اتِّبَاعَ الظَّنِّ ۚ
  • وَمَا قَتَلُوهُ يَقِينًا
  • بَلْ رَفَعَهُ اللَّهُ إِلَيْهِ ۚ
  • وَكَانَ اللَّهُ عَزِيزًا حَكِيمًا

Et leur parole : nous avons tué le Messie Jésus, fils de Maryam, messager de Dieu.

Et ils ne l’ont pas tué.

Et ils ne l’ont pas crucifié.

Mais c’était une parabole pour eux.

Et ceux qui divergent en cela sont dans le doute de cela

Ils n’ont pas en cela de savoir, seulement suivent-ils une conjecture

Et ils ne l’ont pas tué, certainement.

Au contraire, l’a élevé Allah vers Lui

Et Allah était Puissant et Sage

1. Ils ne l’ont pas tué

Dans ce texte, les juifs disent avoir tué le Messie, c’est une déformation volontaire de leur propos pour en exposer le ridicule. Les juifs ne peuvent se vanter d’avoir tué le Messie, puisqu’il est le point d’horizon de leur religion. Ils pourraient cependant se vanter d’avoir tué Jésus. Le Coran, qui reconnaît Jésus comme le Messie, les accuses ici de ne pas avoir reconnu le Messie, jusqu’au point d’avoir voulu l’assassiner. Ainsi comme le peuple qui veut bruler Abraham, ils auraient de façon définitive rejeter le messager divin. Le Coran fait de cette affirmation, une négation radicale de leur religion : se vanter d’avoir tuer Jésus, c’est rejeter Yahoshua, celui qui les amène en terre promise, c’est rejeter le Messie vers lequel toute leur religion est tournée. Une négation du judaïsme, dans les termes du judaïsme. C’est donc une parabole, un exemple pour eux.

Dans les évangiles déjà, la croix n’a pas tué Jésus, et Jésus l’affirme lui-même (Jean 10:17-18), personne ne peut le tuer, mais c’est lui qui donne sa vie, et ce pouvoir il l’a reçue d’Allah lui-même. Ils ne l’ont pas donc pas crucifié, car la croix n’est pas l’instrument de la mort Jésus. Le Coran change-t-il quelque chose ? a peine. Il enlève Jésus comme intermédiaire. Au lieu que Dieu donne à Jésus le pouvoir de rendre l’âme, Dieu prend l’âme de Jésus (tawafahu). Comme pour les chrétiens, il élève Jésus comme signe. Le Coran ne fait que rappeler les chrétiens à ce que dit la Bible et les remet dans l’interprétation juste. pour cela il corrige ce qu’ils n’ont pas compris (naskh). Rappelons auparavant ce que le Coran dit dans la sourate précédente, Al Imran, qui confirme notre lecture :

47. Les juifs imaginèrent des artifices contre Jésus. Dieu en imagina contre eux ; certes Dieu est le plus habile. 48. Dieu dit à Jésus : Je te ferai subir la mort et je t’élèverai à moi ; je te délivrerai des infidèles, et j’élèverai ceux qui t’ont suivi au-dessus de ceux qui ne croient pas, jusqu’au jour de la résurrection. Vous retournerez tous à moi, et je jugerai vos différends.

Ce texte confirme bien notre interprétation, l’agent de la mort de Jésus n’est pas les juifs, mais Allah. “Ils ne l’ont pas tué, ils ne l’ont pas crucifié (…) mais non ! Il l’a élevé, Allah, vers Lui.” Le Coran, face aux affirmations des juifs et des chrétiens, opère donc encore une abrogation : ce ne sont pas les juifs, ni la croix qui l’ont tué, ce n’est même plus Jésus qui rend son âme, sens qu’il fallait certainement comprendre à la lecture de l’évangile, le Coran dit fermement : l’acteur de l’action c’est Allah. Cela nous rappelle certainement l’histoire d’Abraham jeté au feu par son peuple (« ô feu, soit froid et salutaire pour Abraham »). Notons le verbe commun aux deux textes du Coran : « élever »,رفع.

2. Ils ne l’ont pas crucifié

La deuxième affirmation est qu’ils ne l’ont pas non plus crucifié, c’est-à-dire traité comme un criminel. Aujourd’hui on dirait “pendu”, pensez à l’expression gibet de potence. Ils prétendent avoir crucifié Jésus comme un criminel, mais par cet acte même c’est Allah qui l’a élevé vers lui. C’est bien comme ça que les chrétiens l’avaient compris : la croix, est passée du signe de l’infamie à celui de la rédemption divine.

Quand le Coran affirme, “Mais non ! Il l’a élevé, Allah, vers Lui.” La deuxième négation porte sur le sens de cette action. Jésus n’a pas été assassiné, ou ramené au rang des criminels. Allah élève Jésus vers Lui. Le terme “élever” est porteur de sens ici : Ibrahim élève la maison, Allah élève le mont Tor et Allah élève le souvenir du Prophète ; c’est donc une place de choix qui est donnée ici à Jésus, parmis 4 messagers, Ibrahim, Moussa et Muhammad.

Le terme élever, est un terme que l’évangile utilise pour la croix. Le terme reprend lui même un évènement de l’exode, et confirme une prophétie messianique :

  • (Jean 3,14) “De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle”
  • (Nombres 21:8-9) 8 Et l’Éternel dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant, et mets-le sur une perche; et il arrivera que quiconque sera mordu et le regardera, sera guéri. 9 Moïse fit donc un serpent d’airain, et il le mit sur une perche; et il arriva que quand le serpent avait mordu un homme, il regardait le serpent d’airain, et il était guéri.
  • (Esaïe 11:1-12) “1 Puis un rameau sortira du tronc de Jesse, Et une branche (naSir) naîtra de ses racines. 2 L’Esprit de l’Eternel reposera sur lui: Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de l’Eternel. (…) 8 Le nourrisson s’ébattra sur l’antre de la vipère, Et l’enfant sevré mettra sa main dans la caverne du basilic. 10 En ce jour, le rejeton de Jesse sera là comme une bannière pour les peuples; Les nations se tourneront vers lui, Et la gloire sera sa demeure. 12 Il élèvera (נָשָׂא)une bannière pour les nations, Il rassemblera les exilés d’Israël, Et il recueillera les dispersés de Juda, Des quatre extrémités de la terre.”

Nous avons ici l’une des premières interprétation de la croix pour les chrétiens, puisque c’est celle de l’évangéliste Jean, à la fin du Ier siècle. Nous voyons aussi que dans la prophéties messianistes d’Isaïe, qui est reprise par les premiers chrétiens (et dont vient probablement le terme “nazaréens” utiliser pour les premiers chrétiens et qui est repris par le Coran comme terme générique pour les chrétiens).

En utilisant le terme élevé pour corriger les discours juifs et chrétiens sur la crucifiction, le Coran inscrit son discours dans la continuité de la Torah et de l’Evangile, sur lesquels il appuie son raisonnement, pour corriger les interprétations tardives. Quand le Coran dit que les juifs n’ont pas tué ni crucifié Jésus, mais qu’Allah l’a élevé vers Lui, on ne doit pas forcément y voir une négation de la crucifixion en tant qu’évenement, mais plutôt encore une abrogation. C’est le sens qui est changé, parce qu’il a été mal interprété auparavant. Un nouveau sens est donné, qui conserve scrupuleusement le contexte biblique, que le Coran maîtrise parfaitement. Il n’y a pas ici une mécompréhension ou une négation de l’histoire des évangiles. Le Coran met en avant le principe qu’Allah n’abandonne pas ses prophètes, ni que sont morts ceux tués sur Son chemin. Ainsi il reprend les juifs qui se vantent d’avoir tué Jésus en leur montrant le côté absurde pour eux-mêmes d’une telle affirmation, comme il reprend ceux des chrétiens qui pensent que les juifs ont tué Jésus sur la croix (crime de déicide, puisque pour eux Jésus est Dieu et qui donnera des excuses à l’antisémitisme chrétien).

Au contraire Allah en a fait une semblance, que très peu comprennent. D’ailleurs proche du sens qu’en donnent les chrétiens : la croix symbole de l’infamie et des criminels, devient le symbole du pardon, de la rédemption.

3. La croix et la divinisation de Jésus

Si l’on se place dans le schéma de l’anthropologie de René Girard, il y a deux lectures de la crucifiction. Une lecture mythologique, qui la placerai dans la ligne des mythes: les juifs ont lynché Jésus pour rejeter leur fautes sur lui, tel le bouc émissaire, sa mort eu un effet cathartique, résolu leur crise et les a réconcilié. Dans un second temps, ils l’auraient divinisé et révéré son tombeau, ici la croix. Voilà une lecture sacrificielle et victimaire, qui rangerait le christianisme dans les religions primitives, et il n’est pas loin qu’une partie du christianisme se soit construit sur cette lecture mythique de Jésus, qui ai donné lieu à sa divinisation.

Or le Coran refuse la divinité de Jésus, il refuse également que Jésus puisse porter les fautes de toute l’humanité, il est donc logique qu’il refuse le lynchage de Jésus et l’utilisation de la croix comme symbole de ce lynchage. Le Coran cherche a préserver le christianisme des forces sociales qui le ramène vers une religion primitive de type sacrificielle, en rejetant un à un les points théologiques faisant de Jésus le bouc émissaire, puis la divinité de l’humanité. Il fait de l’histoire de Jésus un exemple particulier, sinon l’exemple même, de son modèle évènementiel : un messager est envoyé par Allah à un peuple transgresseur, le peuple rejette le message et son messager par la violence, Allah punit le peuple transgresseur, charge à Allah de sauver le messager, dans ce monde comme Noé ou Abraham, ou dans l’autre. Ce faisant il préserve la particularité du monothéisme, non seulement la victime est innocente, mais elle ne peut être divinisée.

Au contraire, la lecture de Jésus comme une personne innocente, un messager de Dieu rejeté car les hommes rejette son message, préserve la lecture non sacrificielle de la mort de Jésus, qui révèle les mécanismes de persécution. Dieu élève Jésus comme un signe pour les univers.

Appendice : La mort de Jésus est claire dans les évangiles
30 Et quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit: Tout est accompli. Et ayant baissé la tête, il rendit l’esprit.

Les autres évangiles sont d’accord sur le déroulement

42 Et il disait à Jésus: Seigneur, souviens-toi de moi, quand tu seras entré dans ton règne. 43 Et Jésus lui dit: Je te le dis en vérité, tu seras aujourd’hui avec moi dans le paradis. 44 Il était environ la sixième heure, et il se fit des ténèbres sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. 45 Le soleil s’obscurcit, et le voile du temple se déchira par le milieu. 46 Et Jésus s’écriant d’une voix forte, dit: Mon Père, je remets mon esprit entre tes mains. Et ayant dit cela, il expira.

Chez Jean encore, il rend l’esprit et l’on voit un détail supplémentaire :

30 Et quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit: Tout est accompli. Et ayant baissé la tête, il rendit l’esprit. 31 Or, les Juifs, de peur que les corps ne demeurassent sur la croix le jour du sabbat (car c’était la préparation, et ce sabbat était un grand jour), demandèrent à Pilate qu’on rompît les jambes aux crucifiés, et qu’on les enlevât. 32 Les soldats vinrent donc et rompirent les jambes au premier, puis à l’autre qui était crucifié avec lui. 33 Mais lorsqu’ils vinrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui rompirent point les jambes.

Un autre passage de Jean explique ce qu’il fait :

15 Comme mon Père me connaît, et que je connais mon Père; et je donne ma vie pour mes brebis.
16 Et j’ai d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie; il faut aussi que je les amène; et elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau et un seul berger.
17 Voici pourquoi mon Père m’aime; c’est que je donne ma vie, pour la reprendre.
18 Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même; j’ai le pouvoir de la quitter, et le pouvoir de la reprendre; j’ai reçu cet ordre de mon Père.

Voilà tout simplement : “Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même; j’ai reçu cet ordre de mon Père.” Les évangiles sont cristal clair : la croix ne tue pas Jésus, personne ne le tue. C’est Dieu qui lui donne le pouvoir de rendre l’âme. De même la finalité est que Dieu l’élève :

(Jean 3,14) “De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle”

La théologie du Coran est donc précise et circoncise au texte biblique, elle en donne une meilleure lecture.

Omar, les qurra’ et la conquête de l’Iraq

La Conquete de l’Iraq

Après la mort de Muhammad en 632, des tribues de la péninsule arabique attaquent Medine et Oman, car elles refusent de payer la zakat, qui redistribue l’argent vers les pauvres. Abu Bakr dirige la défense de Médine puis la reconquête de la péninsule, qui se convertit ou retourne dans l’Islam. Ce sont les guerres de l’apostasie (haroub al ridda). Lors de la bataille de Yamama, la dernière égion, au nord de l’arabie, un nombre important de qurra’, les mémorisateurs et réciteurs du Coran, va mourrir au combat. Ce qui va pousser Abu Bakr à compléter rapidement la compilation du Coran par écrit pour assurer la continuité de sa mémorisation. Pour comprendre ce danger, il faut savori que depuis le début de la prédication de Muhammad opposé aux riches marchands de La Mecque, l’Islam a toujours été une religion menacée, fuyant et combattant pour assurer sa survier. Créant ainsi un groupe solidaire dont beaucoup sont à la fois des savants et combattants, ce qui semble définir les qurra’. En 636 Omar, qui a succédé à Abu Bakr, va étendre L’Islam vers la Syrie et l’Iraq en remportant les bataille de Yarmouk (Syrie) et Qadysshia (Iraq). Et libèrer l’Iraq du règne des Perses Sassanides.

L’armée qui conquiert l’Iraq est composée de combattants musulmans ayant participés à la conquête de Syrie (bataille de Yarmouk en Syrie), de combattants médinois, ainsi que d’un nombre important de bédouins issues des tribues arabes fraichement reconquises. Les combattants ayant participé à cette bataille (ou celle de Yarmouk concomitente en Syrie) seront distingués de ceux parmi les arabes qui rejoindront après. En effet, la date d’entrée dans l’Islam marque dans l’esprit collectif le degré d’adhésion au projet de l’Islam. Ils seront appellés “ahl al-ayyam”, à l’opposé des “ridda”, rejoignant après la bataille, et venus de tribues souvent plus renommées, mais qui se sont révoltés pendant les guerres de l’apostasie.

L’afflux d’argent permet à Omar d’établir un état social dans toutes les terres conquises, particulièrement en Irak et en Egypte, la Syrie restant gérée principalement par les Quraysh, qui deviendront les Omeyyades.

  • en plus de la zakat, établissement de l’impot sur les terres conquises : kharaj impot foncié sur les terres, jyzaya par personne sur les nons musulmans
  • les plus pauvres ne sont pas soumis à l’impots qui reçoivent une aide prise sur le trésor
  • redistribution de l’impot sur les musulmans selon leur date d’entrée dans l’Islam. Ceux qui ont émmigrés à Médines et les Ansars touchent respectivement 5.000 à 3,000 dirhams par ans. Ceux qui ont participé Yarmouk ou Qaddyshia, (‘’ahl al-Qādisiyyah’’) 3000 et 2000 respectivement. Selon le moment de leur arrivée, les ridda touchent de 1500 à 250.
  • enfin, en Iraq dont l’arsitocratie a fuit a fuit, la oummah gère collectivement les terres

Omar écide de fonder deux Amsars, Kufa et Basra, villes garnisons qui abriteront les combattants de l’Islam nouvellement arrivés. Le Sawad, les terres d’Iraq, vont être considérés comme un bien collectif administré par les habitants des amsars, ahl al fay. Omar va lancer des travaux d’irrigations autour du Tigre et de la ville de Basra, pour augmenter les terres fertiles. Ceux qui les cultivaient, libérés des Sassanides, continuent à les exploiter en échange d’une taxe (dhimmmi). Les terres en friches sont attribuées à ceux qui se chargent de les défricher et les cultiver. Les terres abandonnée par la famille royale, l’aristocratie perse er le clergé zoroastrien, sont sont données en responsabilité à ahl al fay. La population de Kufa fût ensuite formée d’immigrants arabes venant soit de la région de La Mecque, soit du sud de l’Arabie, d’Hadramaout et du Yémen (le quartier des najranites est formée de personne exilées de Najran). Omar, qui donna des terres de juifs arabes à ses guerriers, reloclisa les juifs de Khaybar dans un quartier de Koufa en 640. Des juifs, mais aussi des chrétiens habitaient la ville. Les éxilés politiques y étaient aussi envoyés.

“Plus que simples garnisons, Omar mettre beaucoup d’espoir d’y former la base d’un monde nouveau, islamique. Parmi les divers centres des territoires conquis par les Arabes à l’époque d’Omar, Kufa était le centre où l’ordre politique et social envisagé par Omar semblait réussir à s’enraciner. Au début de son volume de biographies de kufains, Ibn Sa’d enregistre un certain nombre de traditions selon lesquelles Omar faisait référence aux kufains comme ra’s ahl al-Islam, jumjumat al-Islam etc., nous sommes en droit de demander pourquoi les Syriens ou, disons les Basrans, n’ont pas été ciblés pour un tel commentaire. La réponse à cela semble être que le système qu’Omar aspirait à établir était mieux servi par l’hétérogénéité de la population Kufaine. Ceux des Arabes qui ont saisi la première occasion de se battre et se sont rendus en Syrie étaient organisés en groupements relativement larges et cohérents. Dans les territoires de Basra, Tamimis et Bakris prédominaient et seule une poignée d’environ 300 « premiers venus » étaient venus de plus loin. A Kufa, d’autre part, ces « premiers venus » étaient peut-être au nombre de 10 000 ou plus et étaient d’une composition hétéroclite dans laquelle il y avait une relative absence de grands clans ou groupes de clans dominants. Cela reflétait une caractéristique importante des premières conquêtes, à savoir, que la Syrie était d’abord considérée comme le front principal, puis Jazira, tandis que l’Irak était considéré comme un front secondaire. L’idée de ‘Umar était que Kufa devait être dar hijra pour les musulmans, et ses colons étaient des muhajirin des premiers venus. Le système ‘irdafa et la fraternité de la hijra formant la base acceptée de la société. La présence de 370 premiers sahaba domiciliés à Kufa l’a vraisemblablement fortifié dans cet espoir. Les Kufains pouvaient prétendre que les plus éminents des Compagnons de Muhamad avaient élu domicile dans cette ville : non seulement Ibn Abu Waqqas, Abu Musa et Ali ; mais aussi Abd Allah ibn Mas’ud, Salman le Persan, Ammar ibn Yasir et Huzayfa ibn Yaman.” Partiellement traduit de “Kufan Political Alignments and Their Background in the Mid-Seventh Century A.D.” Martin Hinds

Les qurra’

La première référence de qurra’ a lieu pour des troupes emmennées par Abu Bakr dans l’assaut de Yammama, quand se fait le souci d’un trop grand nombre de pertes de haffiz parmi les combattants, ce qui pousse on l’a vu au rassemblement par écrit du Coran. La conquête de l’Iraq amène donc à Kufa et Basra tout un parti de bédouins et de croyants de divers horizons rassemblés au service de la cause musulmane, la conquête, et l’entretien des terres du Sawad. Déracinés de leur héritage tribal, dont ils gardent un certain héritage démocratique et égalitaire qui trouve écho dans les versets du Coran. C’est parmi eux qu’évoluent un groupe appellé qurra’, ceux qui récitent le Quran. Ils appartiennent à l’armée dont ils touchent la solde, le ‘ata’, sur le trésor confié par Omar à Ibn Mas’ud. Deux personnages dont la réputation est l’intégrité morale et sociale ne fait aucun doute. Abu Musa Al Ashari va demandé à Omar qu’ils puissent obtenir un solde de 2000 dhirams, ce qu’il n’obtint pas. Cela indique qu’une partie des qurra’ émergent à Kufa et Basra au delà des premiers combattants. De nombreux rapports font état parmi eux de mawali, des convertits non arabes. La position sociale des soldats et de ces villes est particulière, elles regroupent des gens de plusieurs horizons, déracinés de leur environnement d’origine pour la conquête où l’exil forcé. Ils ne sont ni paysan, ni marchands, mais vivent sur le kanz, l’argent de l’Islam. Ils ont la gestion collective de la plupart des terres d’Iraq. On a donc une classe à part, dont l’adhésion au “parti” de l’Islam est la raison d’être et la condition économique. La présence des qurra’ et la tâche de mémoriser le Coran fait l’enjeu grandissant de la récitation à Kufa et Basra, où l’on récite, discute et entretient la mémoire du Coran. Des gens comme Ibn Mas’ud, Abu Musa al Ashari, Hassan al Basri, vivent dans ce milieu. Il y a Kuffa des récitations concurentes, en particliers celles d’Abu Musa et de Ibn Mas’ud, qui sont récités dans deux quartiers différents de la ville.

Abu Musa Al Ashari

Abu Musa al Ashari est un bon exemple por comprendre ce que sont les qurra’. Convertit dès la période mécquoise, il retourna au Yemen d’où il revient, passant par l’Abyssinye, avec 50 convertis dont deux de ses frères et rejoint le Prophète à Khaybar en 628. Il participa à l’expedition de Dhat al-Riqa, puis fût nommé gouverneur du Yemen. Sous Abu Bakr il y combattit pendant les guerres de l’apostasie, puis rejoint la conquête de l’Iraq sous Omar. Où il fût appointé gouverneur de Basra pendant 12 ans et entreprit des travaux d’irrigations. Il rejoint la conquête de l’empire Sassanide en tant que commandant. Il fût nommé gouverneur de Kufa pendant un courte période sur demande des qurra’ en remplacement de Ammar ibn Yasir. En même temps, il est réputé comme un savant dans l’Islam : il possède une recension du Coran avec ses propres notes, son receuil est similaire à celui d’Ubay ibn Ka’b. Et sa récitation est en compétition à Kufa avec celle d’Ibn Mas’ud. Sha`bi dit que le savoir peut être demandé de six perosnnes : `Umar, `Ali, Ubayy, Ibn Mas`ud, Zayd et Abu Musa. Safwan b. Saleem dit que sous le Prophète, personne n’était consulté en religion sauf `Umar, `Ali ibn abi Talib, Mu`adh and Abu Musa. Rentré tôt dans l’Islam, une des principales figures de la récitation du Coran, il participe aux combats et à la vie politique de la Oumma, ainsi qu’aux travaux d’irrigation du Sawad.

Ibn Mas’ud

Ibn Mas’ud fut le quatrième ou sixième converti, après sa rencontre avec Muhammad et Abu Bakr. Il participa à l’émigration en Abyssinie, à Médine, à Badr. Proche de Muhammad depuis sa conversion précoce à la Mecque, il fait partie du noyau durs de partisans de Muhammad, déjà à l’époque de Dar al arqam. Il participe à la conquête de la Syrie et de l’Iraq sous le mandat de Omar qui le nommera responsable du Trésor (comptes publics). Il participe à la fondation de Kuffa, où il s’installe et contrôle la gestion des comptes publics pour lesquels il rend de comptes à Omar. C’est en assurant cette fonction stratégique qu’il entrera en conflit avec Sa’d Ibn Al Waqqas qui lui sera jugé pour détournement de fonds et corruption par les habitants de Kuffa. Il fait partie des quatre grands collecteurs et commentateurs du Coran connus chez les sunnites. Il possède une recension du Coran célèbre, dont il sera question souvent à l’avenir. Omar justifie la nomination d’Ibn Masud et Amar par ce verset :

  • 28.5.وَنُرِيدُ أَن نَّمُنَّ عَلَى الَّذِينَ اسْتُضْعِفُوا فِي الْأَرْضِ وَنَجْعَلَهُمْ أَئِمَّةً وَنَجْعَلَهُمُ الْوَارِثِينَ
  • 28.5. Or, Nous voulions apporter Notre aide à ces opprimés sur Terre, pour faire d’eux des dirigeants et des héritiers,

Conflits d’intérêts

Omar, faisant face à la rapide expansion de l’Islam et des revenus, essaye de mettre en place une structure juste, redistributive et favorisant l’établissement des converyis à la nouvelle religion. La période atteste néammoins d’un enrichissement des chefs de guerre et d’une concurence entre eux pour prendre les butins, confisquer les terres en destiutuant leurs propriétaires. Certains gouverneurs civils piquent dans la caisse, dont Sa’d Ibn al Waqqas qui insulte Ibn Mas’ud responsable du trésor de l’état. Sous le khalifa d’Omar se forme une classe marchande, militaire et adminsitrative qui s’établit en propriétaire fonciers et risque de dominer la suite. On observe une même contradiction dans le monde paysan et dans le monde militaire entre une aristocratie en formation et ceux qui vivent de la terre et de l’état musulman. Omar destitue à tour de bras les gouverneurs, et divise par deux la fortune de tous ceux qui piquent dans la caisse. Il va malheureusement accuser injustement certains, comme Khalid Ibn al Walid. Mais aussi va prendre sur le fait Muawyia et Abu Sufyan en Syrie, va leur confisquer l’argent mais ne va pas les destituer pour “des raisons politiques” qui restent à établir. La volonté d’Omar de construire une direction politique de la Oumma qui soit irréprochable se lit dans sa compréhension des enjeux du pouvoir et sa lutte acharnée contre la corruption. Il sera assassiné avant d’avopir pu finir toutes ces tâches.

Sources

  • Khaled Ridha, Le Prophète de l’Islam et les Califes. p. 219-221
  • Pour une vue sur le califat d’Omar et la problématique des terres et des taxes, traduire cette page du russe : Oleg Georgievich Bolshakov du russe (use translate) http://gumilevica.kulichki.net/HOC/hoc25.htm#hoc25para04
  • Kûfan Political Alignments and their Background in the Mid-Seventh Century A.D., Cambridge University Press: 29 January 2009, Martin Hinds

Qui fût Abraham qui sorti de Babylone vers -1800 ?

La vidéo suivante est interessante pour situer le texte biblique dans l’histoire. En particulier la reflexion de l’appropriation du monde par le travail humain.


Cette vidéo montre le lien du récit de la Génèse avec les textes babyloniens. Cependant elle s’interesse en fait plutôt au texte babylonien sous jacent, qu’elle retrouve, qu’au texte biblique lui même. C’est le cas de beaucoup de vidéos d’Allan Arsmann, qui sont très interessantes sur les convergences, il étudie avec brio le contexte mésopotamien d’Abraham, et soulève des points interessants, car il sait faire les liens à travers les cultures. A partir de là ses choix historiques pour situer les évenements sont solides et rejoignent globalement les notres. Cependant, s’arretant aux points de ressemblance, la critique oublie d’aborder les points de divergence. Il conviendra en conséquence de repenser les liens entre les deux textes.

Car la Génèse raconte l’histoire d’Abraham dans sa relation conflictuelle avec cette civilisation .Si l’on considère la relation conflictuelle des relations d’Abraham avec son peuple racontée dans les textes bibliques et coraniques (voire l’analyse du texte coranique, Abraham et les idoles), il est logique de penser que la relecture des textes babyloniens par la Bible sera une lecture critique. Le nom de la ville elle même figure toujours dans la Bible un problème.

Par exemplen, la malédiction du travail de la terre faite dans le livre de la génèse doit être interprétée, elle ne peut être une simple référence, comme c’est le cas dans la vidéo. De plus le monothéisme ne semble pas le produit d’une civilisation agricole. Le conflit fondateur entre Abel le nomade et Cain le sédentaire, ainsi que la remise en cause des dieux des cités pointent au contraire vers une idéologie nomade en conflit avec les pouvoirs religieux et politiques des villes. Le livre “Sans feu ni lieu” de Jacques Ellul est une bonne argumentation dans ce sens à partir du texte biblique.

Jacques Ellul va mieux montrer la relation conflictuelle des deux corpus de texte :

Abraham part de la région de Babylone. Et il apporte avec lui une relecture critique de mythes sumériens (leur cosmogonie relue par la Génèse, le mythe de Noé, …) datant de la troisième dynastie d’Ur (vers 2100 avant notre ère, faisant référence à des personnes ayant possiblement vers -2600), et dont la première version connue date de tablettes en akkadiens écrites vers -1800. Les orientalistes ayant fait le lien entre les textes mésopotamiens et la Génèse n’en tirent pas les conséquences sur l’historicité d’Abraham, qui explique très simplement ce lien, sans avoir recours à des rencontres bien plus tardives entre les banu Israel et les babyloniens.

Abraham selon le calendrier hébraïque serait né en -1813. Un historien chrétien unitarien (témoins de Jehovah) français, Gerard Gertoux, propose une recherche sur le contexte historique d’Abraham, appuyée par des recherches sur le roi d’Elam, Kudur-Lagamar, mentionné dans la Bible. Ses recherches permettent de donner une date approximative pour l’époque d’Abraham, et de le situer dans un contexte historique, parti d’Iraq à l’époque de Shulgi, roi de Ur en Chaldée, et arrivé en Egypte à l’époque de Amenemhat I pendant le moyen empire égyptien. C”est un travail solide, structuré même si la présentation pourrait être mieux organisée pour en faciliter l’accès. Quand Allan Arsmann propose une lecture fouillée de la culture mésopotamienne, Gerard Gertoux en présente l’ossature chronologique.

Bien plus tard, dans les textes chrétiens, l’épitre aux hébreux propose une relecture de l’histoire d’Abraham, qui s’inscrit assez bien dans conflit qui semble conservé entre le monde nomade et la ville. Sans lui attribuer l’origine du monothéisme, ce que le Coran semble faire, elle inscrit bien Abraham dans ce qu’Ernst Bloch appelait “ce non-encore qui est la véritable patrie de l’humanité”.

8 Par la foi, Abraham, étant appelé, obéit, pour aller au pays qu’il devait recevoir en héritage, et partit, ne sachant où il allait. 9 Par la foi, il demeura dans la terre qui lui avait été promise, comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentes, avec Isaac et Jacob, les cohéritiers de la même promesse. 10 Car il attendait la cité qui a des fondements, dont Dieu est l’architecte et le fondateur. 11 Par la foi aussi, Sara reçut la vertu de concevoir et, malgré son âge, elle enfanta, parce qu’elle crut à la fidélité de celui qui avait fait la promesse. 12 C’est pourquoi d’un seul homme, et qui était déjà affaibli, il est né une multitude aussi nombreuse que les étoiles du ciel, et que le sable du bord de la mer, qui ne se peut compter. 13 Tous ceux-là sont morts dans la foi, sans avoir reçu les choses promises, mais les ayant vues de loin, crues, et embrassées, et ayant fait profession d’être étrangers et voyageurs sur la terre. 14 Car ceux qui parlent ainsi, montrent clairement qu’ils cherchent une patrie. 15 En effet, s’ils se fussent souvenus de celle d’où ils étaient sortis, ils auraient eu le temps d’y retourner; 16 Mais maintenant ils en désirent une meilleure, c’est-à-dire une céleste; c’est pourquoi Dieu ne dédaigne pas d’être appelé leur Dieu; car il leur a préparé une cité.

Epitre aux hébreux, chapitre 11.

On voit aussi une possibilié de situer Abraham dans la culture mésopotamienne, dans un peuple araméen, qui vit sur les marges de ses cités, autour d’Harran.

Hukman, sagesse, jugement

Il semble qu’il n’y ai qu’un seul mot, dont le sens soit sagesse et jugement. il est bien possible que les deux sens ne soient pas différenciés. En effet les trois mots utilisés pour traduire  الْحُكْمَ sont sagesse, jugement, decision. C’est à dire trois étapes d’un seul processus : comprendre, estimer et décider.

De nombreuses occurences après le verbe “donner” se tradusient le mieux par sagesse :

رَبِّ هَبْ لِي حُكْمًا وَأَلْحِقْنِي بِالصَّالِحِينَ

وَلُوطًا آتَيْنَاهُ حُكْمًا وَعِلْمًا

Ici la sagesse et la prophétie fait bien référence aux livres hébreux dits “sapientiaux” et “prophétiques”. Le singulier en fait une qualité transmise par Dieu.

وَلَقَدْ آتَيْنَا بَنِي إِسْرَائِيلَ الْكِتَابَ وَالْحُكْمَ وَالنُّبُوَّةَ

Quand il s’agit de Dieu, le sens tend plus fortement vers celui de décision, Allah comprend et juge, mais surtout ses jugements sont décisifs :

إِنِ الْحُكْمُ إِلَّا لِلَّهِ يَقُصُّ الْحَقَّ وَهُوَ خَيْرُ الْفَاصِلِينَ

أَلَا لَهُ الْحُكْمُ وَهُوَ أَسْرَعُ الْحَاسِبِينَ

فَاصْبِرْ لِحُكْمِ رَبِّكَ وَلَا تُطِعْ مِنْهُمْ آثِمًا أَوْ كَفُورًا

Mais pas seulement ici il prend plus le sens de jugement :

وَمَا اخْتَلَفْتُمْ فِيهِ مِنْ شَيْءٍ فَحُكْمُهُ إِلَى اللَّهِ

Ce vers ci est très beau :

 إِنِ الْحُكْمُ إِلَّا لِلَّهِ أَمَرَ أَلَّا تَعْبُدُوا إِلَّا إِيَّاهُ

Vous n’adorez en dehors de Lui que des noms que vous avez donnés, vous et vos ancêtres, bien qu’Allah n’en ai donné aucune preuve.

Certes le jugement n’appartient qu’à Dieu, Il a ordonné que vous suiviez ses signes.

Telle est la religion intègre, mais la plupart des gens ne savent point.

Le verbe “suivre” indique bien la direction dans la vie, qui doit traduire le choix opéré par Dieu et infiqué par Ses “signes”, qui guident sur le chemin. Le verbe “ordonner” porte bien le sens de décision, que le croyant doit suivre lui aussi, donc recevoir en pratique cette sagesse.

قُلْ إِنِّي نُهِيتُ أَنْ أَعْبُدَ الَّذِينَ تَدْعُونَ مِنْ دُونِ اللَّهِ ۚ قُلْ لَا أَتَّبِعُ أَهْوَاءَكُمْ ۙ قَدْ ضَلَلْتُ إِذًا وَمَا أَنَا مِنَ الْمُهْتَدِينَ {56}

قُلْ إِنِّي عَلَىٰ بَيِّنَةٍ مِنْ رَبِّي وَكَذَّبْتُمْ بِهِ ۚ مَا عِنْدِي مَا تَسْتَعْجِلُونَ بِهِ ۚ إِنِ الْحُكْمُ إِلَّا لِلَّهِ ۖ يَقُصُّ الْحَقَّ ۖ وَهُوَ خَيْرُ الْفَاصِلِينَ {57}

6.56 Il m’a été interdit de servir ceux que vous invoquez en dehors d’Allah. Dis : « Je ne suivrais pas vos passions : je me serais fourvoyé et ne serais point de ceux qui sont guidés. » 6.57 Dis : « Je tiens sur une évidence de mon Seigneur, alors que vous l’avez démenti. Il n’y a pas chez moi ce vers quoi vous vous empressez. Certes la sagesse n’est qu’en Dieu. Il narre le réel et Il est le meilleur des distinguant (الْفَاصِلِينَ).

Encore une fois il s’agis de faire des choix et de se guider selon ce qu’Allah donne, car il est celui qui comprend et raconte ce qu’il se passe, et « juge », c’est-à-dire sépare, distingue. Il est le meilleur des juges, des arbitres, …

En conclusion, dans le Coran, il n’y a qu’un seul terme pour l’action de comprendre les mécanismes du réel et prendre une décision à l’intérieur. Ainsi il ne s’agit pas de deux moments séparé, mais distinguer dans le réel ce qui est souhaitable c’est vouloir le suivre plutôt que les passions qui ne donnent rien. On voit bien que les occurrences du terme hukman chez Dieu correspondent à se guider pour le croyant.

Miracles du Coran, ou approche critique ?

Plutôt qu’ un traité scientifique, il conviendrait de regarder le Coran comme une relecture critique des textes religieux, c’est-à-dire métaphysique, mais aussi politique, éthique, philosophique selon les catégories actuelles. Cette approche permet à mon sens de mieux en saisir le sens et la portée : la transformation du rapport au réel, déjà amorcée par le judaïsme et rafraichie dans l’Islam.

En effet, elle s’inscrit dans une œuvre de démystification déjà entamée par le judaïsme. Parler de “luminaires” au lieu de dieux ou d’astres avec leur volontés propre à l’époque de Moïse, proposer une cosmogonie débarrassée du fantastique au profit d’un Dieu unique, c’est au IIe millénaire avant JC un progrès important. La lecture de Jacques Ellul qui voit dans l’Ancien Testament un détournement critique (et humoristique !) des cultures environnantes, babyloniennes et égyptiennes en particulier, est rafraichissante et permet une approche rationnelle des miracles scientifiques dans le Coran. Ainsi que de commencer à aborder le sens de sa métaphysique.

Jacques Ellul, La Subversion du Christianisme, extrait :

Les sept cieux

Le terme « shidadân » dans la sourate Al Naba désigne d’évidence les cieux. Il est issu de la racine SHDD qui signifie « renforcer ». Ce sens renvoi à tous les termes utilisés dans l’antiquité pour traduire l’hébreu רָקִיעַ, l’étendue des cieux qui supporte les astres. Ainsi du grec στερέωμα de la septante  (support, fondation, ferme) et du latin firmamento de la vulgate (de firmāre renforcer et mentum, suffixe indiquant un instrument, un moyen) qui donnera « firmament » en français.

Comme le remarque Tommaso Tesei, le Coran reprend à la fois l’idée biblique de firmament qui supporte les astres et sépare la terre des eaux primordiales, et l’idée des 7 sphères concentriques des mondes gréco romain et babyloniens, dans chacune desquels un astre évolue . Ces « sept cieux » du monde gréco-romain s’étaient imposés dans les textes apocryphes, par exemple les apocalypses de Baruch et d’Enoch. On les retrouvera également dans la sunna, en particulier dans l’épisode du voyage de nuit de Muhammad. Ces 7 sphères ont donné lieu dans l’empire romain, aux sept jours de la semaine, nommés en fonction des divinités associées à leurs astres respectifs. « Le nom de la ziggurat de Borsippa, « Maison des sept Sages du Ciel » fait référence à ses sept étages qui renvoient peut-être eux-mêmes aux sept corps astraux « errants » connus par les Mésopotamiens. »

Le Dieu du Coran fait disparaitre les dieux associés à ces astres au profit d’une simple semaine de 7 jours. Ceux-ci sont terminés par as-sabt, repos commémorant non pas les astres mais un Dieu qui est cause première du réel. Les deux conceptions, en débat sous le ciel byzantin, sont corrigées l’une par l’autre dans le Coran : le dôme éloignant les eaux du dessus est remplacé par des sphères concentriques, qui se sont imposés tant dans la littérature que dans la compréhension du monde de l’époque. Tandis que, mise en regard du Dieu biblique, les planètes ne sont plus des divinités, mais des objets placés dans le ciel inférieur. Ils ne sont associés à aucune divinité, et sont dépourvus de tout aspect mystique.

Approche métaphysique des jinns

Si nous lisons ces trois versets de la sourate As Saffat (6-8) :

إِنَّا زَيَّنَّا السَّمَاءَ الدُّنْيَا بِزِينَةٍ الْكَوَاكِبِ

وَحِفْظًا مِّن كُلِّ شَيْطَانٍ مَّارِدٍ

لَا يَسَّمَّعُونَ إِلَى الْمَلَإِ الْأَعْلَىٰ وَيُقْذَفُونَ مِنْ كُلِّ جَانِبٍ

Ainsi Nous avons décoré le ciel du monde de la décoration des planètes

Et Nous l’avons protégé de tout shaytan rebelle.

Ils n’écoutent pas l’assemblée supérieure, mais sont attaqués de tous côtés.


Ainsi les planètes semblent assignées au premier ciel. Il n’y a plus les histoires d’un ciel par planète qui fonde les mythes astrologiques de l’époque, et les divinités associées aux jours de la semaine. C’est seulement en comparaison avec cet aspect métaphysique de l’antiquité que les versets suivants prennent sens : quand ils affirment que le ciel est dégagé de tous les satans. Il s’agit dorénavant du ciel réel, avec des objets observables, non plus des divinités dirigeant la destiné humaine.

Lactance, que signale G. Gobillot comme une première étape intertextuelle régulièrement pertinente, synthétise la littérature judéo chrétienne sur les jinns (genii en latin) de manière intéressante. Dans sa tentative encore naïve de proposer une herméneutique rationnalisante du monothéisme contre le paganisme, il pose que ce sont ces genii (les anges de Genèse 6 :1-4) qui ont orienté les hommes vers l’adoration des astres, la divination et la magie. Leurs pratiques terrestres les rendent, les empêchant d’accéder au ciel, qui est dans son apologétique un monothéisme rationnellement défendable. Mais qui reste une reconstruction sur mesure  

La sourate As Saffat reprend le même thème mais les jinns qui n’ont plus accès au ciel. On y lit qu’ils  apprenaient aux hommes ce qui les accable – les recouvre, c’est-à-dire le contraire de rushd (v. 13, ceux qui sont droits, guidés. Mais il y a l’idée nouvelle que les jinns ne puissent plus y monter chercher des informations à transmettre aux magiciens ou devins, comme ils le font dans la littérature énochienne, les astres -réels- leur barrant désormais le passage. De plus la thématique des jinn est profondément revue et synthétisée. Dans le Coran, l’idée que le shaytan vienne des hommes et des jinns donne une réalité plus concrète et moins spirituelle au mal. Tandis que la possibilité d’une conversion des jinns brise l’aspect manichéen encore très présent chez Lactance. Plus encore que chez Lactance, on note une disparition de toute l’angéologie, la nomenclature des anges et des démons. Le Coran opère une rupture épistémologique. Ce n’est plus tellement le jinn qui détourne l’homme, mais toute la littérature énochienne commence à trouver son aboutissement métaphysique : le jinn est ce qui détourne l’homme de Dieu, par exemple le choix de l’astrologie plutôt que l’astronomie. En démystifiant le jinn lui-même, le texte pose la question : qu’est-ce qui détourne l’homme de la réalité.

Les astres ne sont plus des divinités, mais des objets célestes placés dans le ciel inférieur, dépourvus de tout aspect mystique. Je pense, et c’est mon interprétation ici, que le lien est fait avec l’affirmation que tous les satans sont descendus. Le Coran démystifie l’astronomie, et descend les idoles du ciel. Ce n’est pas un traité d’astronomie, mais un rétablissement de la démarche monothéiste lancée par les fils d’Israël, démarche rationnelle figurée par le prophète Abraham.  

Approche dynamique des astres et de leurs conséquences

Nous concluons ainsi notre étude de la structure du troisième passage de la sourate YaSin, et de son intertextualité : « Le Coran reprend les enjeux évoqués dans les institutions divines. Pour expliquer les mouvements célestes et leurs effets, jusqu’à la vie qui sort de terre, le texte opère une synthèse entre les positions de Lucilius et Lactance. Comme chez Lactance, l’objet est dépourvu de toute divinité, cependant, le texte ne part pas d’une existence de Dieu a priori qui suffirait à expliquer l’inexplicable. Le Coran reprend la quête de Lucilius, mais propose une autre démarche : comme pour Abraham s’interrogeant sur la divinité des étoiles, les choses ne sont pas des divinités en elle-même, la divinité ne peut en être que leur origine. Dieu pour Abraham est Le Créateur des astres, et ici l’origine de leur mise en mouvement. Le texte part des effets (l’alternance du jours et de la nuit), remonte aux cause (les mouvements des astres). Toute divinité ou téléologie est alors repoussée hors de l’univers réel jusqu’à l’acte premier, décret de Dieu. Celui-ci poursuit pourtant son action par l’émergence continue de la vie, action allégorisée ailleurs dans le texte par la descente de l’eau. Cette théologie, toujours anthropocentrique, est néanmoins plus fine en ce qu’elle n’articule plus grossièrement le monde vers l’homme, mais reprend comme chez le philosophe, la remontée déductive des phénomènes observés, qu’elle repousse à une cause première. Le texte coranique enfin la superpose à une éthique : il y a pour l’homme dans l’observation des phénomènes naturels une invitation à remercier pour ce qu’il a reçu de la nature et, ayant trouvé Dieu comme origine de toute chose, à prolonger le travail, tout en s’inquiétant des conséquences de son comportement. Le texte coranique propose un monothéisme strict articulant l’observation des phénomènes naturels à la constitution d’une éthique. Renvoyant discrètement aux thèmes de la sourate, la réception du messager, le partage des richesses reçues de la nature et la possibilité d’une fin terrible. »

Une vision historique de l’humanité

La structure de la sourate Al Naba nous amenait à une surprise de taille : le Coran inscrit le monde dans une dynamique historique portée par l’action humaine. La structure permet au texte d’articuler l’évolution historique du monde de la terre vers un jardin avec l’activité humaine et ses choix spirituels, ancrés dans une pratique et des relations intersubjectives.

La dynamique de la première partie présente la transformation de la terre à un jardin. Au centre de cette dynamique l’alternance du jour et de la nuit, générée par la course des astres, participe à structurer l’activité humaine. On retrouve, en raccorci, la relation développée dans la sourate Yasin vu plus haut. La dynamique de la seconde partie aboutit en désert ou en jardin, selon l’action humaine, qui est mise en lumière, révélée, par « les versets » au centre. Le monde est désormais conséquence de l’action humaine et l’Ecriture permet de la connaitre. La dynamique de la troisième partie est spirituelle. Elle met en opposition, si l’on suit le parallèle avec les psaumes, la parole du juste persécuté (la parole prophétique dans le récit coranique) et la violence de ses adversaires. Prises ensembles ces dynamiques articulent un grand récit, dans lequel l’action humaine s’inscrit dans le prolongement de la nature et transforme le monde. Le moteur de cette action se trouve dans les relations humaines. Prendre refuge en Dieu, c’est prendre la responsabilité sur l’avenir.

Le « miracle » du Coran tient pour nous dans cette structure et la façon dont elle permet d’articuler les idées. Au lieu d’une catégorisation trop rigide qui aurait figé les rapports et tenter de préciser chaque sens, le texte présente une articulation des dynamiques historiques qui mobilisent l’homme, qui lient les relations sociales, l’idéologie et la pratique comme moteur de transformation de la terre. Orientant vers un des avenir possibles, le verger ou le désert. Ces rapports entre l’homme et son monde résistent assez bien à l’épreuve du temps. Ainsi des rapports entre les astres et leurs conséquences sur terre, qui donnent le jardin : le lien, déjà fait pendant l’antiquité, en particulier pour les saisons, subi un profond travail de démystification. Cette vision historique présente même une étonnante modernité en plaçant l’action humaine au centre du devenir du monde.

Conclusion

Un texte à vocation prophétique, que l’on qualifierai aujourd’hui de religieux, propose d’ancrer l’action humaine individuelle dans un choix ethique Le récit développe sa propre philosophie, basée sur une lecture de la culture de son époque, et de sa société. C’est l’approche critique, démystifiant la culture et la pensée de l’époque, qui donne au texte sa capacité à survivre aux découvertes modernes. Poursuivant la démarche du judaïsme, la ré-appliquant même à la culture monothéiste teintée de néo platonisme et ré introduisant les divinités par toute une angéologie qui ramenaient le fantastique par la fenêtre, le Coran, par sa démarche monothéiste stricte, qui dépouille le réel de toute divinité et pose Dieu comme pivot et transcendance de la culture humaine, fonde la possibilité philosophique qu’il n’y ai pas d’age sombre au moyen age. De 750 a 1250, peendant 500 ans, le monde islamique, la ville de Baghdad et le califat de Cordoue, avec une histoire économique, politique, scientifique et culturelle immensément riche qui rassemble la moitié de l’humanité à son époque. Le texte ne suffit pas à expliquer tout cela, mais sa démarche philosophique y participe.

Intertextualité du passage 33-44 de la sourate Yasin

Structure du passage 33-44 :

Le texte de Lactance dont il est question http://remacle.org/bloodwolf/eglise/lactance/instit2.htm

Geneviève Gobillot cite Lactance comme « un premier seuil herméneutique », participant d’« un paysage conceptuel, sur lequel ses propres enseignements [nb : du Coran] prennent un relief qui en éclaire la plupart du temps de façon décisive les tenants et les aboutissants. »[1] Dans le cinquième chapitre du second livre des « Institutions divines » [2], nous remarquons un même triptyque terre / astres / mer que les psaumes et notre passage. Puis exactement les termes de la partie centrale : les astres, le jour et la nuit, et le décret divin : « Dieu a placé les astres dans le ciel, et leur a assigné la route qu’ils tiennent » et pour finir « il fait succéder tour à tour le jour à la nuit, dont l’un est destiné au travail et l’autre au repos ». Les thèmes des deux propositions de cette dernière sont repris tels quels dans le Coran[3]. Comme les Psaumes, desquels il reprend peut-être les exemples, Lactance insiste sur le statut créé des choses : contra des choses existantes par elles-mêmes, il parle d’ouvrier et d’ouvrage. En particulier les objets célestes sur lesquels il appuie sa démonstration.

La question porte essentiellement sur leur mouvement et sur leur utilité pour l’homme. Pour les stoïciens ceux-ci sont preuve d’une volonté intrinsèque, si les choses sont réglées et qu’elles deviennent utiles, elles ont une intelligence. Ils concluent en conséquence à la divinité des objets celestes. Partant du principe d’une divinité unique, Lactance reproche aux stoïciens d’observer les choses sans concevoir leur origine. Il oppose les animaux, qui ont également une volonté. Et leur réfute immédiatement le statut animal : pour lui l’intelligence n’a résidé que dans le déploiement des astres. Sur le modèle d’Archimède construisant ses représentations du système solaire, il explique le mouvement et l’utilité par l’ordre divin qui aurait créé puis ordonnancé les objets celestes dès le départ. A finalité de l’homme. Deux modèles sont donc proposés. Le premier est la divinité des objets celestes, qui déciderait d’eux-mêmes leurs actions et effets, le second celle d’une divinité ayant organisé l’ensemble. Lactance trace ainsi un lien qui part de l’origine de toute chose vers la vie humaine. C’est un raisonnement à visé éthologique, d’explication des phénomènes, mais dont la réponse est donnée a priori : quand Lactance dit « le mouvement des astres n’est donc pas volontaire, mais nécessaire, parce qu’ils suivent la loi qui leur est imposée », c’est une tautologie : la conclusion est elle-même la preuve.

Le texte coranique n’est pas une simple louange dithyrambique comme les Psaumes. Il propose comme Lactance une réflexion sur les rapports entre les astres et leurs effets, et en propose une réarticulation, portée par la structure du texte. La première partie de notre passage part de la « terre morte », ce qui exclut d’emblée d’en faire une divinité. Dieu la fait vivre et en fait sortir des fruits : la vie devient un mouvement, conséquence d’une impulsion première. Si l’impulsion est divine, le mouvement est aussi le fait de la terre elle-même (parallèle frappant entre 33c « Nous avons sorti d’elle du grain » et 36b « ce que fait pousser la terre »). Ce mouvement produit les fruits dont mangent les hommes. Il y a alors une volonté précise de Dieu vers l’homme, dont le travail suivra (35c « de ce qu’a fait ses mains »), prolongation par l’homme du travail divin, reçu de la nature[4]. L’interjection “Ne remercia-t-il pas ?” suit directement ce prolongement, en ce que l’homme hérite, jusque dans son travail, d’un résultat qui ne vient pas de lui-même. D’où probablement l’ambivalence laissée entre deux sens possibles : qu’il mange « de ce qu’a fait ses mains » ou « de ce que n’a pas fait ses mains ». Le texte loue alors Dieu comme origine de tout ce mouvement qui précède l’action humaine. Pour le Coran, il n’y a pas de divinité dans les choses mortes, ni dans le fruit produit de la nature, mais un Dieu à l’origine du mouvement qui va de la terre morte jusqu’au fruit qui nourrit l’homme.

Le texte reprend ensuite l’alternance du jour et de la nuit. Le mouvement des astres, origine de cet effet est traitée dans le morceau central, avec les phases de la lune, autre exemple de la nuit. Au cœur de ce morceau et de tout le passage, le rôle divin dans la mise en œuvre du mouvement, dont le reste est conséquence. Enfin dans le dernier morceau, l’effet (le jour et la nuit) et la cause (les astres) tournoient dans un même mouvement d’ensemble, ramené au terme SBH signifiant également voguer et louange, rappelant la gloire du créateur du morceau précédent. A l’opposé de Lactance, le Coran ne cherche pas à donner un cours d’astronomie, en effet, il est tout à fait possible de lire une vision égyptienne primaire des astres dans des chaloupes (foulk) et d’un lever du soleil en un point précis de l’horizon, comme il est possible pour un moderne d’y lire des orbites différentes, qui ne se croisent pas. Le propos n’est pas là. Ce qui est remarquable c’est l’articulation partant des effets observés par l’homme (l’obscurité de la nuit) aux extrémités de la structure, pour remonter progressivement par le mouvement des astres à leur cause première, le décret divin comme actus primus au centre. Pour revenir finalement à l’articulation de l’ensemble, louange des mouvements de l’univers à leur créateur (SBH), à l’opposé de l’obscurité première, image du rejet du prophète[5]

Dans la troisième partie, le Coran reprend de Lactance l’exemple de l’homme appelant au secours dans la tempête[6], mélangé ici avec l’histoire de Noé. L’irruption de la possibilité de la mort et du déluge met en valeur le support divin constant à la vie humaine matérialisé par le bateau (reprise de foulk), que l’homme ici aussi prend en charge à son tour. En proposant la possibilité de son inversion, « si Nous voulons, Nous vous noyons », le texte montre encore une téléologie divine dirigée vers l’homme, rappelant, par sa menace planant sur les sociétés humaines, thème récurrent de la sourate, l’importance de la branche sur laquelle il est assis.

Le Coran reprend les enjeux évoqués dans les institutions divines. Pour expliquer les mouvements célestes et leurs effets, jusqu’à la vie qui sort de terre, le texte opère une synthèse entre les positions de Lucilius et Lactance. Comme chez Lactance, l’objet est dépourvu de toute divinité, cependant, le texte ne part pas d’une existence de Dieu a priori qui suffirait à expliquer l’inexplicable. Le Coran reprend la quête de Lucilius, mais propose une autre démarche : comme pour Abraham s’interrogeant sur la divinité des étoiles, les choses ne sont pas des divinités en elle-même, la divinité ne peut en être que leur origine[7]. Dieu c’est Le Créateur des astres pour Abraham, et ici l’origine de leur mise en mouvement. Le Coran part des effets (l’alternance du jours et de la nuit), remonte aux cause (les mouvements des astres). Toute divinité ou téléologie est alors repoussée hors de l’univers réel jusqu’à l’actus primus, décret de Dieu. Celui-ci poursuit pourtant son action par l’émergence continue de la vie, action allégorisée ailleurs dans le texte par la descente de l’eau[8]. Cette théologie, toujours anthropocentrique, est néanmoins plus fine en ce qu’elle n’articule plus grossièrement le monde vers l’homme, mais reprend comme chez le philosophe, la remontée déductive des phénomènes observé par l’homme, qu’elle repousse à une cause première. Le texte coranique enfin la superpose à une éthique : il y a pour l’homme dans l’observation des phénomènes naturels une invitation à remercier pour ce qu’il a reçu de la nature et, ayant trouvé Dieu comme origine de toute chose, à prolonger le travail, tout en s’inquiétant des conséquences de son comportement. Le texte coranique propose un monothéisme strict articulant l’observation des phénomènes naturels à la constitution d’une éthique. Renvoyant discrètement aux thèmes de la sourate, la réception du messager, le partage des richesses reçues de la nature et la possibilité d’une fin terrible.


[1] G. Gobillot, « Des textes Pseudo Clementins à la mystique Juive des premiers siècles et du Sinaï à Ma’rib », dans Carlos A.Segovia et Basil Lourié (éds), « The Coming of the Comforter:When, Where, and to Whom ? », Gorgias Press, 2012, p.8 sqq.

[2] Lactance, rhéteur latin, mort en 325. Une édition bilingue latin français des Institutions divines est disponible sur  http://remacle.org/bloodwolf/eglise/lactance/instit2.htm (second livre)

[3] Par exemple Ya sin v.37, al-Naba v.9-10.

[4] L’idée absente du second livre de Lactance, se trouve peut-être déjà dans la Genèse : « 1,15 L’Éternel Dieu prit donc l’homme et le plaça dans le jardin d’Éden, pour le cultiver et pour le garder. »

[5] Voir par exemple Cor 33 :41-46 qui pose le prophète comme une lampe éclairante, sirājan munīran. Et la discussion sur l’utilisation de la lumière pour l’homme dans un cadre monothéiste par Emran El-Badawi, The Qur’an and the Aramaic Gospel Traditions, New York; London: Routledge Press, 2013; p. 154-157.

[6] Citons ici G. Gobillot qui retrouve les notions communes à Lactance et au Coran de cet exemple :  « Coran 17, 67 : « Quand un malheur vous touche en mer, ceux que vous invoquez s’égarent, sauf lui » à mettre en parallèle avec (Institutions Divines, II, I, 8–12) : « Cela (reconnaître et proclamer un dieu suprême) ils ne le font pas quand leur situation est prospère ; mais pour peu que quelque pesante difficulté les accable, les voilà qui se souviennent de Dieu. Si quelqu’un, en mer, est ballotté par un vent furieux, c’est lui (Dieu) qu’il invoque ». A ce propos le Coran, comme les Institutions Divines, met en garde contre une autre tendance spontanée de la nature humaine : la faculté d’oublier : « Lorsqu’il (Dieu) vous a sauvés et ramenés à terre, vous vous détournez. L’homme est très ingrat » Quant à Dieu, qu’ils avaient imploré au milieu de leurs besoins, ils n’ont même pas une parole pour le remercier ». » G. Gobillot, op.cit. p. 6.

[7] Coran 6:75-81. En particulier le saut théorique, non expliqué, fait par Abraham dans le verset 79 : « Je désavoue ce que vous associez à Dieu et je tourne mon visage en croyant originel vers Celui qui a créé les cieux et la terre ».

[8] Par exemple Coran 16:10-11 : « C’est Lui qui, du ciel, a fait descendre de l’eau qui vous sert de boisson et grâce à la quelle poussent des plantes dont vous nourrissez vos troupeaux. D’elle, Il fait pousser pour vous, les cultures, les oliviers, les palmiers, les vignes et aussi toutes sortes de fruits. Voilà bien là une preuve pour des gens qui réfléchissent. »

Al rushd

Sourate 72

Le Coran guide vers al rushd. Des nombreuses occurences du terme, montre que ce n’est pas le guide en lui même, mais ce vers quoi il guide.

قُلْ أُوحِيَ إِلَيَّ أَنَّهُ اسْتَمَعَ نَفَرٌ مِنَ الْجِنِّ فَقَالُوا إِنَّا سَمِعْنَا قُرْآنًا عَجَبًا {1}

يَهْدِي إِلَى الرُّشْدِ فَآمَنَّا بِهِ ۖ وَلَنْ نُشْرِكَ بِرَبِّنَا أَحَدًا {2}

C’est le contraire de mauvais

وَأَنَّا لَا نَدْرِي أَشَرٌّ أُرِيدَ بِمَنْ فِي الْأَرْضِ أَمْ أَرَادَ بِهِمْ رَبُّهُمْ رَشَدًا {10}

وَأَنَّا مِنَّا الصَّالِحُونَ وَمِنَّا دُونَ ذَٰلِكَ ۖ كُنَّا طَرَائِقَ قِدَدًا {11}

وَأَنَّا ظَنَنَّا أَنْ لَنْ نُعْجِزَ اللَّهَ فِي الْأَرْضِ وَلَنْ نُعْجِزَهُ هَرَبًا {12}

Et quand nous entendimes le guide, nous avons eu confiance en lui. Alors qui croit en Son Seigneur, il ne craint ni diminution ni accablement. Et d’entre nous les dirigés et d’entre nous les injustes. Et qui se dirige se libère Rashidan. Et quand aux injustes ils deviennent pour la géhenne une proie.

وَأَنَّا لَمَّا سَمِعْنَا الْهُدَىٰ آمَنَّا بِهِ ۖ فَمَنْ يُؤْمِنْ بِرَبِّهِ فَلَا يَخَافُ بَخْسًا وَلَا رَهَقًا {13}

وَأَنَّا مِنَّا الْمُسْلِمُونَ وَمِنَّا الْقَاسِطُونَ ۖ فَمَنْ أَسْلَمَ فَأُولَٰئِكَ تَحَرَّوْا رَشَدًا {14}

وَأَمَّا الْقَاسِطُونَ فَكَانُوا لِجَهَنَّمَ حَطَبًا {15}

C’est quelqu’un qui est guidé, ne craint pas le mal. Le contraire d’injuste. Droit, ferme, déterminé, résolu, robuste.

Sourate 11 :

وَجَاءَهُ قَوْمُهُ يُهْرَعُونَ إِلَيْهِ وَمِنْ قَبْلُ كَانُوا يَعْمَلُونَ السَّيِّئَاتِ ۚ قَالَ يَا قَوْمِ هَٰؤُلَاءِ بَنَاتِي هُنَّ أَطْهَرُ لَكُمْ ۖ فَاتَّقُوا اللَّهَ وَلَا تُخْزُونِ فِي ضَيْفِي ۖ أَلَيْسَ مِنْكُمْ رَجُلٌ رَشِيدٌ {78}

قَالُوا يَا شُعَيْبُ أَصَلَاتُكَ تَأْمُرُكَ أَنْ نَتْرُكَ مَا يَعْبُدُ آبَاؤُنَا أَوْ أَنْ نَفْعَلَ فِي أَمْوَالِنَا مَا نَشَاءُ ۖ إِنَّكَ لَأَنْتَ الْحَلِيمُ الرَّشِيدُ {87}

Le mot est utilisé pour Loth et Shou’ayb dans leur confrontation face à leurs peuples. Loth leur demande « N’y-a-t-il pas parmi vous un homme droit ? », tandis que le peuple de Shou’ayb se moque de lui : « Certes tu es celui qui se restreint, le droit ! » Il s’agit de celui qui s’astreint la droiture, mais aussi se restreint des passions mauvaises. Ce que son peuple n’accepte pas.

Ne retrouve-t-on pas ici celui qui applique الأمر بالمعروف والنهي عن المنكر, commander le connu et interdire le blâmable ? et qui se rend insupportable à son peuple.

49.7 وَاعْلَمُوا أَنَّ فِيكُمْ رَسُولَ اللَّهِ ۚ لَوْ يُطِيعُكُمْ فِي كَثِيرٍ مِنَ الْأَمْرِ لَعَنِتُّمْ وَلَٰكِنَّ اللَّهَ حَبَّبَ إِلَيْكُمُ الْإِيمَانَ وَزَيَّنَهُ فِي قُلُوبِكُمْ وَكَرَّهَ إِلَيْكُمُ الْكُفْرَ وَالْفُسُوقَ وَالْعِصْيَانَ ۚ أُولَٰئِكَ هُمُ الرَّاشِدُونَ 

« Allah vous a fait aimer la confiance et l’a embelli dans vos cœurs et vous a fait détester son recouvrement, la défiance et la désobéissance. Ceux là sont les droits. »

Il y a là l’opposition entre l’Iman, la foi, celui qui protège la guidance qu’il a reçu, et son contraire al kufr, la recouvrir pour ne plus la voir, la défier et s’en éloigner.

“لَآ إِكْرَاهَ فِى ٱلدِّينِ قَد تَّبَيَّنَ ٱلرُّشْدُ مِنَ ٱلْغَىِّ”

Pas de contrainte en religion, certainement apparait la droiture de l’erreur.

C’est interessant que ce soit droiture “rushd” et pas “haq” vérité/réel. du coup c’est l’aspect pratique de la vérité qui se distingue, celui qu’on accomplit, qu’on montre par l’exemple.

Il n’y a donc pas le baton ni la carrote, c’est l’exemple. Plus encore que la bonne action, la droiture qui montre le chemin aux autres.

Le parcourt du dictionnaire des synonymes en français nous dirige vers ces mots : droit, ferme, déterminé, résolu, robuste. C’est évidemment la droiture, par opposition à l’injustice, mais c’est aussi celui qui a confiance dans le chemin, qui sécurise la direction qu’on lui a confié. « 72.14 : فَمَنْ أَسْلَمَ فَأُولَٰئِكَ تَحَرَّوْا رَشَدًا Qui se dirige, ceux là ont choisit la droiture. » Il y a un aspect confiant, déterminé qui rend vigoureux et robuste le message. La foi donne une assurance qui semble bien faire partie de rushd.

Juj et Majuj – Dhu Al Qarnyn

Gog et Magog

La première apparition du terme (en dehors de Gog fils de Japhet dans la Genèse) se trouve dans le livre d’Ezeckiel (Dhu al-Kifl ?, vers -600 -570) au chapitre 38 :

1 La parole de l’Éternel me fut adressée en ces termes: 2 Fils de l’homme, tourne ta face vers Gog, au pays de Magog, vers le prince de Rosh, de Méshec et de Tubal, et prophétise contre lui;

Ezeckiel 38:1-2

Le prophète prophétise ensuite comment Dieu amènera ce peuple à faire la guerre dans les montagnes de Palestine pour le détruire dans des jours futurs, ou bien les derniers jours « aḥarit ha-yamim אחרית הימים‎ ». Les versets 20.7-10 de l’Apocalypse de Jean place cet évenement à la fin des temps, après le règne de Jésus.

Comment identifié ce roi Gog de la terre de Magog ? Les trois noms de peuple (“vers le prince de Rosh, de Méshec et de Tubal“) peuvent nous aider. Rosh et Tubal sont difficilement identifiables (Tabal n’existe plus au temps d’Ezeckiel, Tubal pourrait renvoyer aux Tibareni, un peuple scythe aux abords de la mer noire).

Hécatée de Milet (-550 – 476) parle des Moschi vers la Georgie actuelle. Selon Hérodote, l’équipement des Moschoi était similaire à celui des Tibareni, il serait alors possible d’identifier ces deux peuples (Méshec et Tubal) au 6e siècle, vers les montagnes du caucase. Comme sur la carte ci-dessous, entre la mer noire et la Caspienne :

Le nom de Gog et Magog en viendra à désigner tous les peuples des steppes dont les invasions sont récurrentes. On pensera aux scythes, mais également les parthes (une tribue qui envahit ne région rebelle de l’empire séleucide), les tatars, les mongols et les huns. Les deux cartes ci-dessous permettent de voir que ces peuples occupent un territoire similaire, au nord et à l’est du moyen orient, qui pose une menace permanente sur la mésopotamie. Ce qui explique la continuité de l’appelation Gog et Magog dans le temps. Les juifs en viendront même à associer les romains avec Joj et Majoj. Pour les musulmans, sont appellés Juj et Majuj les Turcs qui menacent Bagdad et le nord de l’Iran; puis plus tard, les Mongols qui ont détruiront Bagdad en 1258. Il y a donc une continuité historique dans ce nom donné au peuples envahisseurs venus des steppes.

Dhul-Qarnain

Qui est ce personnage nommé Dhul-Qarnain dans la sourate Al Kahf du Coran ? Un trait particulier est sa construction d’une muraille dans une vallée montagneuse pour arrêter Gog et Magog.

Flavius Josephe, historien juif du Ier siècle, attribue à Alexandre des portes de fer édifiées comme une barrière contre les Scythes. Ces portes sont également mentionnées dans l’Histoire des guerres de Procope, Livre I. Ils les appelles portes de la Caspienne, et sont source de conflit diplomatique entre les Byzantins et les Perses sassanides. Dans le pseudo-Methode et la légende syriaque d’ Alexandre ( 629 ), Gog et Magog ( ܓܘܓ , ܡܓܘܓ ܵ) apparaissent comme les rois des nations Huns. Les portes, en bronze enduit d’huile, sont également citées dans le roman d’Alexandre de Pseudo-Callisthenes. Toute cette littérature de la fin de l’antiquité donne un cadre contextuel au texte coranique. Au point que beaucoup interprètent Dhul-Qarnain comme Alexandre, s’appuyant sur des interprétations un peu tirées par les cheveux, comme les bords de son chapeau, qui auraient formés deux cornes.

Cependant si l’on s’interessent aux portes en questions, les potentielles candidates sont les murailles de Derbent, la passe de Darial et la muraille de Gorga. Elles ont été construites contre les Scythes par les perses Sassanides, à l’exception de la dernière par les Parthes. Et donc pas par Alexandre. Nous allons voir que la réponse que donne le Coran à leur origine est un peu plus subtile.

Voici une carte avec les principaux candidats. Merci au site wikia.org pour les descriptions ci dessous, traduites de l’anglais.

Les Murailles de Derbent

D’une longueur de 3 650 m au nord et 3 500 m au sud et comportant sept portes, des tours massives rectangulaires et rondes, le mur reliait 30 fortifications déjà existantes. Aujourd’hui, le mur nord et les principaux murs de la ville subsistent, mais la majeure partie du mur sud est perdue. Les techniques de construction utilisées ressemblent à celles de Takht-e Soleiman, également construit à la même époque. Derbent était également le siège d’un marzban sassanide.

Le col de Derbent était la structure défensive sassanide la plus importante du Caucase. Plus tard, les historiens arabes musulmans ont eu tendance à attribuer toute la ligne de défense à Khosrow I et à l’inclure parmi les sept merveilles du monde. Au Moyen Âge, on attribuait à Alexandre le Grand d’avoir fermé le col de Darband contre les tribus de Gog et de Magog venant du nord; d’où le nom de «porte d’Alexandre» et les «portes de la Caspienne» pour le col de Derbent .

Les gorges de Darial

Situées dans le Caucase, tombées aux mains des Sassanides en 252/253 lorsque l’empire sassanide a conquis et annexé la péninsule ibérique. Ont été fortifiées par les Romains et les Perses. La fortification était connue sous le nom de porte des Alans, de portes ibériques et de portes du Caucase.

La question des Quraysh

Ibn Ishaq rapporte que pendant la période mecquoise, les Quraysh, qui doutaient beaucoup de Muhammad, envoyèrent deux émissaires vers les juifs de Médine pour s’enquérir si selon leurs écritures Muhammad pouvait être un prophète. Les rabbins leur répondent :

« Interrogez-le sur certains jeunes hommes dans les temps anciens, quelle était leur histoire pour la leur est une histoire étrange et merveilleuse. Interrogez-le sur un homme qui a beaucoup voyagé et a atteint l’est et l’ouest de la terre. Quelle était son histoire et interrogez-le sur le Ruh (Saint-Esprit) – qu’est-ce que c’est? S’il vous parle de ces choses, alors il est un prophète, alors suivez-le, mais s’il ne vous le dit pas, alors c’est un homme qui invente des choses, alors traitez-le comme bon vous semble. »

La Sourate Al Kahf, descendue pour répondre à ces questions, prend donc cadre dans un test pour vérifier que Muhammad est un prophète selon les écritures juives. Or il existe dans les écritures une réponse à cette question, et nous allons voir, qu’elle est ancrée dans le texte, dans l’histoire, mais aussi la politique de l’époque, car elle cache une proposition pour les juifs.

On trouve chez le prophète Daniel un royaume représentés par deux cornes :

“3 Je levai les yeux, je regardai, et voici, un bélier se tenait devant le fleuve, et il avait deux cornes [dual en hébreu קְרָנַיִם]; ces cornes étaient hautes, mais l’une était plus haute que l’autre, et elle s’éleva la dernière. 4 Je vis le bélier qui frappait de ses cornes à l’occident, au septentrion et au midi; aucun animal ne pouvait lui résister, et il n’y avait personne pour délivrer ses victimes; il faisait ce qu’il voulait, et il devint puissant. 5 Comme je regardais attentivement, voici, un bouc venait de l’occident, et parcourait toute la terre à sa surface, sans la toucher; ce bouc avait une grande corne entre les yeux. 6 Il arriva jusqu’au bélier qui avait des cornes, et que j’avais vu se tenant devant le fleuve, et il courut sur lui dans toute sa fureur. 7 Je le vis qui s’approchait du bélier et s’irritait contre lui; il frappa le bélier et lui brisa les deux cornes, sans que le bélier eût la force de lui résister; il le jeta par terre et le foula, et il n’y eut personne pour délivrer le bélier. 8 Le bouc devint très puissant; mais lorsqu’il fut puissant, sa grande corne se brisa. Quatre grandes cornes s’élevèrent pour la remplacer, aux quatre vents des cieux. 9 De l’une d’elles sortit une petite corne, qui s’agrandit beaucoup vers le midi, vers l’orient, et vers le plus beau des pays. 10 Elle s’éleva jusqu’à l’armée des cieux, elle fit tomber à terre une partie de cette armée et des étoiles, et elle les foula. 11 Elle s’éleva jusqu’au chef de l’armée, lui enleva le sacrifice perpétuel, et renversa le lieu de son sanctuaire.(…) 19 Puis il me dit: Je vais t’apprendre, ce qui arrivera au terme de la colère, car il y a un temps marqué pour la fin. Le bélier que tu as vu, et qui avait des cornes [en arabe  ذَا الْقَرْنَيْنِ], ce sont les rois des Mèdes et des Perses. Le bouc, c’est le roi de Grèce, La grande corne entre ses yeux, c’est le premier roi. Les quatre cornes qui se sont élevées pour remplacer cette corne brisée, ce sont quatre royaumes qui s’élèveront de cette nation, mais qui n’auront pas autant de force. 23 A la fin de leur domination, lorsque les pécheurs seront consumés, il s’élèvera un roi impudent et artificieux. 24 Sa puissance s’accroîtra, mais non par sa propre force; il fera d’incroyables ravages, il réussira dans ses entreprises, il détruira les puissants et le peuple des saints. 25 A cause de sa prospérité et du succès de ses ruses, il aura de l’arrogance dans le coeur, il fera périr beaucoup d’hommes qui vivaient paisiblement, et il s’élèvera contre le chef des chefs; mais il sera brisé, sans l’effort d’aucune main.”

Ce texte bien connu pour décrire les royaumes de l’antiquité comme des animaux, renvoie “deux cornes” au royaumes Medo-Perse. On retrouve les Sassanides qui les ont construites et gèrent encore à l’époque le royaume de Perde. Cette référence biblique est habile, car elle comporte également une référence à Alexandre auquel la tradition attribue le portes. Alexandre est le roi de Grèce dans le même texte, dont les 4 généraux se partageront l’empire, et dont sortira Antiochus IV Epiphane connu pour avoir persécuté les juifs à Jérusalem.

Si les deux cornes renvoiet à l’empire Medo-Perse, qui est Dhul-Qarnain à qui le texte fait il référence et qui lance des expéditions dans toutes les directions ? Regardons la carte du royaume de Cyrus, roi de Perse à l’époque de Daniel et célèbre pour avoir lui restauré les juifs à Jérusalem. Ce roi tiend justement les Scythes à l’écart. C’est le prototype d’un moyen orient unifié entre le Khorasan et l’Egypte :

Cette réponse est donc particulièrement adaptée si elle est renvoyée aux juifs de Médine, pour les convaincre qu’un royaume monothéiste établi sur la région peut être en paix avec eux et les rétablir à Jérusalem dont ils sont actuellement chassés par les Byzantins. La réponse de Muhammad écarte donc subtilement le roi de Grece pensé par les byzantins comme le fondateur de ces portes au profit de leurs constructeurs réels, les sassanides, et d’une référence à un roi admiré par les juifs, Cyrus. Qui vaut message de paix à l’adresse des juifs qui doivent se prononcer sur sa réponse prophétique. Le texte biblique contient une référence très favorable à Cyrius, qui convient particulièrement au monothéisme stricte du Coran :

« 1 Ainsi parle l’Éternel à son oint, à Cyrus, 2 Qu’il tient par la main, Pour terrasser les nations devant lui, Et pour relâcher la ceinture des rois, Pour lui ouvrir les portes, Afin qu’elles ne soient plus fermées; Je marcherai devant toi, J’aplanirai les chemins montueux, Je romprai les portes d’airain, Et je briserai les verrous de fer. 3 Je te donnerai des trésors cachés, Des richesses enfouies, Afin que tu saches Que je suis l’Éternel qui t’appelle par ton nom, Le Dieu d’Israël. 4 Pour l’amour de mon serviteur Jacob, Et d’Israël, mon élu, Je t’ai appelé par ton nom, Je t’ai parlé avec bienveillance, avant que tu me connusses. 5. Je suis l’Éternel, et il n’y en a point d’autre, Hors moi il n’y a point de Dieu; Je t’ai ceint, avant que tu me connusses. 6 C’est afin que l’on sache, du soleil levant au soleil couchant, Que hors moi il n’y a point de Dieu: Je suis l’Éternel, et il n’y en a point d’autre. 7 Je forme la lumière, et je crée les ténèbres, Je donne la prospérité, et je crée l’adversité; Moi, l’Éternel, je fais toutes ces choses. 8 Que les cieux répandent d’en haut Et que les nuées laissent couler la justice! Que la terre s’ouvre, que le salut y fructifie, Et qu’il en sorte à la fois la délivrance! Moi, l’Éternel, je crée ces choses. » Esaïe, 45. 1-8.

En conséquence de quoi nous sommes tout à fait favorable à dire que Dhul al Qarnain est une réponse subtile du Coran à la question posée, qui monopolise des référents de l’époques, Gog et Magog, Alexandre et ses portes, et donne une réponse précise sur la lutte continue des medes (perses puis iraniens) contre les peuple scythes. Cette réponse est aussi une référence donnée aux juifs à Cyrius le Grand, auquel ils sont favorables, et peut leur laisser envisager à l’avenir une entente avec les musulmans, qui pourraient les rétablir à Jérusalem.

Il est interessant d’observer sur les cartes que les steppes des Scythes et le moyen orient autour de la mésopotamie forment deux grands ensembles géographiquement logiques, et qui historiquement sont parfois remplis. Le monde musulman reproduit à peu de choses les empire de Cyrus ou d’Alexandre.

Ce qui ressort au montage, c’est une opposition continue dans l’histoire entre deux grands ensembles géographiques, le moyen orient au sens large, et les steppes au nord. Au fur et à mesure de l’histoire des royaumes alternent sur ces positions en réussissant plus ou moins à réunir leurs zones respectives dans un même ensemble. Cette histoire est déjà là entre les scythes et les perses vers -500, elle continuera encore vers 1200 entre les musulmans et les turco mongoles.

Atraf al nahar

11.114

وَأَقِمِ الصَّلَاةَ طَرَفَيِ النَّهَارِ وَزُلَفًا مِنَ اللَّيْلِ

Et élève la prière aux deux horizons du jour

et l’approche de la nuit.

On a là deux façons de préciser le moment : parallèle entre la visibilité du jour, et la proximité avec la nuit. On se refaire à la vision sur terre de l’ombre de la nuit qui s’approche ou s’en va, et la proximité de la lumière du soleil.Ainsi on rejoint au crépuscule (al-‘ashiyyi) et à l’aurore (al–ibkâr)” puis “au matin (al–ghuduww) et le soir (al–âṣâl)”.

Cette redondance, et le retour du parallèle entre le jour et nuit, et surtout ce moment de passage dans l’ombre de la terre, fait que “avant l’émergence du soleil et avant sa disparition” se réfère à ces deux moments, en précisant leur cause première. On n’est plus dans la vision de l’effet, le jour et la nuit, mais dans la vision de la cause, l’apparition du soleil.

Mais le parallèle de atraf dans 20.130 est différent. Il se fait avec ina²i al leyl (qui est en fait difficile à cerner). Le pluriel de atraf aussi pose problème, car ce n’est plus le duel des deux passages de la nuit au jour. En tout cas il y a un parallèle / opposition entre les deux. Je propose quelque chose comme :

et depuis les (heures) de la nuit célèbre

et aux limites du jour.

Ou peut-être “et aux aperçus du jour ?”. Je commence à douter qu’on puisse y inclure al wousta. Il faudrait trouver une explication pour ina²i, c’est lui qui permet d’approcher le sens de atraf ici. En tout cas atraf à lien avec le visible. D’où traduire par horizon, où par limites.