Le Ramadan et la réification du football

Il y a tellement de présupposés derrière le discours sur le ramadan au football, on va essayer d’en debunker quelques uns.

1. L’efficacité

Le plus gros argument, qui devrait faire le plus réagir, c’est celui de la forme physique. Un joueur perdrait de sa forme et serait moins bon. Quelques dixièmes de perdu sur la course justifient des lois (réglements) liberticides. Le joueur est donc un ouvrier à la chaine, astreint à la productivité. Le but c’est de gagner (et donc faire du fric), pas de jouer ou regarder un bon match. Sa vie doit s’articuler là dessus, sur sa fonction. Le fait que certains excellent (Benzema) pendant le ramadan est un bon argument, parce que jouer, ce n’est pas que des stats, c’est aussi un état d’esprit, le calme dans la tension, et que l’esprit lui n’est pas quantifiable. Donc les commentateurs qui pensent qu’une equipe de joueurs doit être gérées dans un tableau excel ou dans une simulation style jeux vidéo ont tout faux. Mais ce n’est pas l’essentiel, la vie ne s’arrete pas au système technicien marchand, et la façon dont l’individu y est pris au piège.

2. L’autorité

L’entraineur décide, l’état légifère, la fédération réglemente. Le joueur se soumet. Pourquoi ce n’est pas la fédération des joueurs, ou l’equipe, qui décide de comment ils veulent jouer ? On nous accuse régulièrement d’être soumis à un ami imaginaire, mais dans les faits les soummissions concrètes sont tellement ancrées dans l’inconscient colletif qu’elles en deviennt obligatoires. C’est totallement anti démocratique, et il conviendront de laisser les joueurs, ceux qui font, décider. Ce qui parait insensé dans un tableau excel est logique dans la prise sur le réel : celui qui fait comprend les enjeux. Là disparaissent les fantasmes sur la nutrition au profit de la réalité de la pratique et de qui est important.

3. Disparition du cadre idéologique

Les commentateurs n’ont aucune idée qu’ils sont mobilisé bien plus par les enjeux du discours franco français qui leur paraissent “le cadre naturel” que par les résultat. Il suffit de dezoomer pour voir que ce n’est un problème qu’en France. Aucun d’entre eux n’a la conscience que discours anti religieux, reification, soumission à l’argent, racisme et autoritarisme fonctionnent ensemble pour réaliser notre intégration dans le tissu économique en tant que maillons privés d’existence, sous une apparence de réalisme. Le cadre imposé leur parait être le réel, et ça c’est dangereux, parcequ’ils font vivre cet aveuglement idéologique.

Voilà quelques billes pour montrer que cette énième version de l’islamophobie véhicule le même discours autoritaire (totalitaire dans leur langiage ?), qu’elle révèle en fait surtout la corruption de la FFF avec ses problèmes d’argent et de harcelement sexuels, corruption masquée par sa soumission au pouvoir politico économique et sa capacité à propager encore et toujours les pratiques racistes de controle de la population.

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POURQUOI LES IDEES DE LA CLASSE DOMINANTE S’IMPOSENT ELLES ?

Il reste de nos jours la préconceptions que les idées sont deconnectées du réel. L’exemple fort, sur laquelle la classe dominanté insiste durablement, est celui des religions, qui sont présentées comme de pures croyances, inutiles, spirituelles. Or l’on sait que, en pratique, les attaques contemporaines sur le religieux sont l’avant garde des attaques sur les resistances.

Il existe deux façons de voir la chose. Soit d’un point de vue néo platonicien, où le monde lui même est illusion, et le ciel des idées est la réalité. Seul la subjectivité humaine est réelle, puisque l’on vit dedans. Soit d’un point de vu positiviste, ou le ciel des idées est faux par principe, et seule la partie positivement attesté du réel existe. Ce qui est aussi enfermement dans la subjectivité humaine, puisque seul ce qui nous parvient du monde est considéré réel.

Ce débat est pourtant réglé définitivement, le ciel des idées est produit par l’humanité à partir du réel, comme formalisation de son interaction avec le monde, la praxis. Et pour envisager sa condition réelle. Ces représentations du monde sont toutes fausses dans l’absolue, Hartmann parle de la dureté du réel, sa resistance à notre comprehension (ghayb). Mais ces représentations ont une utilité pratique, elles nous permettent de comprendre le monde et d’agir sur lui. C’est cette direction qui va nous interesser, la passable performativité du ciel des idées, la retro action de la pensée sur le réel.

Prenont un débat connu, savoir si la concurence où la solidarité sont le plus efficace. Le monde sera demain différent, selon les réponses choisies par le plus grand nombre. Il ne s’agit pas seulement de savoir ce qui est vrai par le passé. Il convient de s’interroger quel monde nous produiront suivant que nous sommes convaincu que la competition ou la cooperation sont le plus efficace.

Dans un monde construit autour de la mise en compétition des individus, la pensée de la classe dominante, qui a construit ce monde, est que la compétition est le moteur de l’histoire. C’est la critique que Marx et Engels font à Darwin. Transposer les valeurs de la classe dominante anglaise dans le savoir. Le trucage est invisible, parceque si quelqu’un cherche à vérifier dans le monde moderne, capitaliste, cette idée, il va inévitablement la vérifier. La compétition donne du résultat quand la coopération est hasardeuse. Ainsi la pensée de la classe dominante, qui produit l’idéologie, se vérifie empiriquement dans le monde où elle est dominante.

Précisons quand même que toute société est coopération, les entreprises “régits par la concurence” sont une forme de cooperation (parmi d’autres possibles). L’état au sens large, y compris oles services publiques, est une forme évoluée de coopération, qui légifère les formes de coopération. Occulté cela, c’est faire disparaitre que ces formes sont choisies, construites, et pas “naturelles”.

On remarquera que la solidarité s’impose pourtant où les moyens manquent. La pauvreté renforce la nécessité de cooperation. Les quartiers populaire et les zones rurales sont marquées par la solidarité comme necessité et la compétition comme réalité. Il y a ainsi une idéologie de classe qui différe. L’opposition de classe dans le réel produit un conflit de classe dans le ciel des idées. On reposera ici la question du religieux. Quel choix font les religions, y compris monothéistes, entre competition et cooperation ? Donc quelles situations ont produit le monothéisme ? Les textes sont clairs : la situation d’immigration en egypte, les guerres judéo-romaines, le conflit contre les marchands quraysh. Y-a-t-il un conflit en france entre l’egyptologie et le monothéisme ? de quel côté des barricades sont ils aujourd’hui ? Fermons la parenthèse religieuse.

Attaquons nous à la question du coaching et de la vulgarisation de la psychologie. La résolution des problèmes est abordée de façon quasi unilaterale sous le prisme de l’individualisme, qui est la pensée dominante. On peut accepter que l’individu est une echelle passablement autonome, à laquelle la pensée se fait et les décisions sont prises. Les religions, et l’ensemble des idéologies, sont des phénomènes collectifs qui s’adressent à l’individu. Le ciel des idées est une réalité collective à l’echelle de l’humanité, mais a comme principal ancrage pratique l’individu. Avec également les relations interpersonelles, les bibliothèques, les productions culturelles, les réseaux, etc. Autres produits de l’humanité.

Le problème du coaching c’est qu’il va s’adresser à l’individu d’un point de vue individualiste, en faisant abstraction de la réalité collective comme produit modifiable et ayant pouvoir sur l’individu. Le coaching intègre que le monde moderne, capitaliste, (dunya) est une réalité intangible, naturelle. Ce qui est vrai à son echelle. C’est un des points où la pensée dominante se vérifie en pratique. Il va donner des conseils d’actions sur ce postulat, et ces conseils fonctionnent immédiatement, donnent un résultat, améliorent la condition immédiate. Le coaching résoud les problèmes psychologiques d’une dissonance d’avec le monde, de choix individuels en décalage avec la réalité capitaliste. Ou de liens sociaux empathiques, sympathiques, de relations sociales sans mediation tarifées ou technique, dont le maintien pose des contradictions dans notre réalité. Le discours est clair : abandonne ce qui ne marche pas, fait fonctionner selon les codes imposés. La pensée dominante s’impose en pratique.

A courte vue, la pensée de la classe dominante fonctionne dans un monde fait pour elle. Elle améliore l’intégration individuelle. Elle possède les mêmes points aveugles, et donc n’entre pas à première vue avec le réel, du moins avec la perception du réel. Il suffit d’ignorer tous les echecs, ou de remettre ces echecs sur la faute individuelle. Faisant abstraction du choix d’organisation des réalités sociales. Malheur necessaire, survie des plus aptes, donc pensée circulaire.

De fait, l’autre alternative, la solidarité, peut donner lieu à des dissonances cognitives : je nage à contre courant, je travail contre moi même. Un humain qui choisit la solidarité dans un monde qui fonctionne sur la compétition va créer des problemes psyhologiques. La psychologie resulte en grande partie des relations sociales. De l’interaction, des conflits. Un humain pacifié par une société visiblement sécurisée, mais réellement conflictuelle, se prépare des nervous breakdown. Nous sommes traversés par des contradictions, entre tissu social, solidarités populaires et competition capitaliste. Et ces contradictions, males comprises, males vécues, provoquent des nevroses. Or il existe un choix alternatif au coaching individualiste, la solidarité interpersonnelle et le conflit de classe assumé. Plus ce choix est partagé, donc rendu possible, plus il existe une solution pratique alternative au coaching. C’est le dilemne du prisonnier, un choix collectif.

Qu’est-ce qu’une pensée qui resiste à la pensée dominante ? Alors que le choix proposé par la pensée dominante est intégration ou conflit, civilisé ou barbare (hanif), la proposition collective est solidarité ET conflit. Prenons l’exemple d’un bateau qui se dirige vers sa destination. Imaginer des desinations autres sont des fantasmes, ou des yakafokons sans qu’on voit comment. La normalité est claire, le coaching de chacun fait sa tache au mieux pour lui même parait évident. Maintenant s’il apparait que le capitaine a décider d’emmener le navire dans le triangle des bermudes, parcequ’il est fou, ou que c’est l’interet de l’état ou la commande de la compagnie. Rentrer au port, s’arreter à Santiago de Cuba ou trouver une ile deserte deviennent des réalités concretes, et il devient de plus en plus évident que les ordres du capitaine sont l’obstacle à ce qu’il faudra faire inévitablement. Dans la tempête, la solidarité redevient une necessité et s’occuper de soi devient immédiatement un enjeu collectif. Partir à la nage est une illusion, il faut prendre le controle du navire. Ceux qui s’accrochent à la normalité sont devenus les fous, et sont dangereux pour les autres. D’où l’importance du groupe humain, d’une communauté qui donne sens à l’individu, qui voit des enjeux supérieures à ceux de l’état et accepte le conflit avec une organisation sociale néfaste. La mosquée, la maison de quartier, le rond point, le syndicat, où la solidarité prevaut sur la concurence et l’intégration. “Le communisme n’est pas pour nous un état de choses à créer, ni un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui dépasse l’état actuel des choses.” qu’on pourrait traduire par “L’Islam n’est pas une organisation fixe du lien social, ni un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons Islam l’ethique qui mise en pratique rétabli la fitra, permet le rôle d’Adam, l’humanité, sur la surface terrestre”.

L’existence d’une idéologie populaire repose sur le combat contre l’injustice, qui passe par le maintien de structures collectives, de lieux de vie irl, qui sont une réponse alternative à la dissoncance cognitive d’un monde qui fonctionne contre nous.

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Approche hyper-critique de l’Islam, un usage politique et relativiste des sources ?

En réponse à « Pendant les premiers siècles de l’islam, il existait plusieurs versions du Coran »

Commençons par dire, que comme pour l’étude du christianisme et pour l’histoire des fils d’Israel, l’affirmation auto proclamée par une seule école d’historiens parmi d’autres d’être les nouveaux historiens qui ont le droit de définir ce qu’est l’Islam est un double tour de passe passe. En premier lieu parcequ’il y a plusieurs écoles d’historiens modernes, et que le courant franco français autour de Dye-Mozzi est une particularité hyper critique dans le monde des historiens et nous allons le situer dans le rappport français actuel à l’Islam. Avec du retard en érudution et en travail même sur les historiens hyper critiques anglo saxons, plus complexes, et dont la tête de file P. Crone a déjà admis qu’elle était aller trop loin, que finalement la réalité obligeait à plus de concessions sur les données traditionelles1. Et en faisant totalement abstraction des éminents chercheurs que sont Montgomery Watt en Angleterre, Angelika Neuwirth en Allemagne et François Déroche en France. En second lieu parce qu’il profite d’une position de vulagrisateur pour se présenter gratuitement comme la science contre l’obscurantisme, s’autojustifiant, plutot que comme un historien qui apporte une théorie soumise à la confrontation avec ses pairs. Nous allons voir que son rapport à la tradition est plus ambivalent que ce qui est affirmé.

Pour l’écriture du Coran, le spécialiste français de la question est François Deroche2. Il mène une étude sérieuse et précise, appuyée sur l’ensemble des connaissances disponibles sur lesquelles des recherches sont constemment menées et présentées au public. F. Deroche dit autre chose, lisez le et comparez.

Certes, il y a un conflit connu depuis toujours par la tradition sur la mise en place d’unification du texte du Coran, successivement par Abu Bakr, Othman et Abd el-Malik. Cette histoire, où la politique est liée à la mise en écrit du Coran, reflète le drame fondateur de l’Islam, la fitna sa division profonde qui persiste jusqu’à nous. Nous savons tous, et nous allons expliquer pourquoi, il n’est pas possible de dire qu’ Abd al Malik ai inventé la fitna, au contraire il doit l’atténuer comme naissance de la dynastie Omeyyade, pour être en mesure de proposer une réconciliation. Si Moezzi voulait comme il le dit restaurer l’histoire contre la tradition, c’est là qu’il appuirait. Or comme elle, nous allons voir qu’il fait disparaitre le combat contre le proto-capitalisme marchand mecquois que les Omeyyades représentent et contre lequel est né l’Islam3. Donnons juste un nom qui conjugue version ancienne du Coran et réécriture de l’histoire : Ibn Mas’ud, son recueil du Coran, sa mort. Les érudits le savent, Moezzi le sait. Mais l’histoire impériale française n’enseigne que l’histoire impériale du passé, et certainement pas celle de ses opposants bédouins, hébreux ou arabes, qui restent un impensé notable de l’orientalisme.

Continuons avec le christianisme. On nous refait le coup du receuil syriaque, et cela a déjà fait long feu par le passé4. Le passage sur les influences bibliques n’est pas catastrophique, sur ce point c’est plutot la tradition et son rejet des textes chrétiens pourtant cités par le Coran qui est pris en défaut. Mais affirmer sans contexte que “Le mot « Coran » lui-même viendrait de qiriyâna, qui désigne un « livre de prières » en syriaque.” fait références aux vulgarisations très médiatisées et très contestées par les chercheurs des thèses de Luxemberg, qu’il passe discrètement, sans note critique. Or, il n’y a pas que le syriaque et un seul christianisme, toutes les variations du christianisme sont présentes en Arabie : monophysites, nestoriens, jacobites, aryens, eunomiens, probablement nazaréens et ebionites, dont l’oncle de Khadija qui traduit l’évangile depuis l’hébreu (peut etre le syriaque). On devrait mentionner aussi les références coraniques au manichéisme et au zoroastrisme. Le Coran fait des références croisées sur toutes les religions présentes à la fin du monde antique. Rappellons une église insuffisemment évoquée, qui garde des traditions anciennes du christianisme, l’Eglise Ethiopienne du royaume d’Aksoum, avec ses répercussions au Yemen, avec un canon et des traditions très proche de l’Islam5. Le Ge’ez au moins autant que le syriaque doit être étrudié pour les emprunts.

Il n’est donc pas possible de le situer dans un seul de tous ces corants juifs ou chrétiens : le texte opère une reprise, une synthèse et une correction ORIGINALE, en deux temps. Dans un premier temps à La Mecque la reprise du monothéisme (déjà iconoclaste comme le montre l’histoire de Zayd ibn Haritha, le fils adoptif du prophète Muhammad) comme principe de justice contre le proto capitalisme mecquois qui avait précédemment détruit l’ethique et les solidarité tribale3, éthique bédouine que le Coran intègre également dans sa synthèse7. Dans un second temps à Médine dans la formation d’une synthèse nouvelle du monothéisme qui confronte et rassemble les traditions monothéistes, ainsi que des références au zoroastrisme. Donc il est vain de présenter une filiation supposée avec le passé qui oublierait le travail de synthèse, et les réponses nouvelles apportées par Muhammad. Rappellons qu’une influence est toujours un choix parmi toutes les influences possibles, et que quand le Coran reprend le terme nazarène pour désigner l’ensemble du christianisme, il prend à contrepied les courants majoritaires auxquels il est exposé. C’est donc un choix volontaire, une prise de parti. En particulier en Coran 5.82-83, dans un contexte ou la primauté de l’Ecriture s’oppose au clergé, les larmes des “nazarènes” accompagnent la reconnaissance du discours coranique et témoignent de siècle d’oppressions et d’attentes de la résolution du dilemne entre la loi et la conscience que le Coran propose enfin.

L’Islam traditionel fait une évidente impasse sur le sujet, mais nos auteurs syriacisant aussi, semblant relever un sujet, l’hypothèse judéo chrétienne, ils inversent ses conséquences. Rappellons que le judéo-christianisme que l’on dit “hérétique” est une survivance du christianisme “primitif”. En le défendant, le Coran prend à contrepied juifs et chrétiens de leur époque. Ce judéo-christianisme est malheureusement le grand absent de l’histoire moderne : les trois guerres judéo romaines puis les tribues ariennes qui trois siècles plus tard mettent à bas l’empire romain d’occident alors en déclin. Ayant pour conséquence le passage du centre du monde vers Constantinople puis Baghdad, qui représente au bas mot les lumières du moyen age. C’est donc un plaisir que l’on retrouve son histoire à travers l’islamologie. Notons que le “judéo christianisme”, raison d’être de l’antisémitisme chrétien par le passé, reste dans son acception moderne, cette base commune du monothéisme, oubliée mais culturellement persistante dans son iconoclasme et désir de justice. Elle sera traduite en philosophie par la “morale des esclaves” l’une des raisons d’être de l’antisémitisme moderne, qui l’inclut dans le même sac que le socialisme et que les lumières de la révolution française6. C’est évidemment un raccourci, mais il révéle un conflit non dit qui persiste de manière savante dans l’orientalisme et l’islamologie, et nous allons voir, dans un passage de l’article. Surtout, les auteurs qui proposent une filiation judéo chrétienne de l’Islam, n’arrivent jamais jusqu’à dire que c’est un choix qui permet à l’auteur du Coran de confronter ce que sont deux devenus Judaisme et Christianisme à leur dernier ancêtre commun, Jésus et la première église, qui est une synagogue (ekklesia, synago et jama’a ont le même sens, rassembler).

Enfin sur le Coran lui même, Moezzi se reserve le droit de faire une sélection sur ce qui ferait ou non parti du Coran, en se centrant grosso modo sur la partie mecquoise. Attribuant de façon peremptoire un rôle purement spirituel au Prophète, il fait disparaitre le discours sur la justice et les solidarités, ainsi que la critique coranique du discours religieux, cad les conséquences concrètes sur le monde réel. L’Islam selon Moezzi est une dimension purement spirituelle qui n’intervient pas dans la société (d’où vient ce concept ? des références ?). Or les toutes premières sourates sur lesquelles il s’appuit sont celles qui rentrent directement en conflit avec l’injustice de la société mecquoise. Aucune biographie moderne ne loupe ce point. Paiement de la zakat, partage de la nourriture, défense du droit, défense des démunis, respect des liens de solidarités, c’est le propos du conflit mecquois qui aboutira plus tard à l’interdiction de l’intérêt,. Il est impossible de le passer sous silence et dire que Muhammad pronnait une reflexion spirituelle désincarnée. L’auteur esquive l’essentiel de la sira mecquoise, la violence des marchands mecquois contre le discours du Prophète qui les interroge dans la sphère publique.

Et cela, il est impossible que ce soit le discours impérial des Omeyyades qui l’ait rajouté. Dans la période mecquoise les puissants Banu Omeyya, Abu Sufyan ibn Harb et Uqba ibn Abi Mu’ayt, font partis des clans dominants en conflit avec Muhammad et la première communauté musulmane. Le fait que ces thèmes soient plus présents dans le Coran que dans la tradition interroge la position de la tradition omeyyade, et pourrait être justement ce qui a poussé l’auteur à éloigner le Coran mecquois d’une retouche omeyyade. Mais alors pourquoi l’occulter ? En oubliant le conflit social initial, l’auteur peut reformuler le jihad comme conquêtes militaires. Or les persécutions puis la guerre contre Quraysh qui aboutira à la conquête de La Mecque, sont la raison du jihad selon la lecture traditionnel de la chronologie du Quran. Le jihad du Coran est réponse proportionnée contre l’injustice quand elle se fait violente, et non conquête. Comment alors faire coexister tradition et écriture du Coran par Abd el-Malik ?

Abd el-Malik aurait selon l’auteur transféré sa refonte du Coran sur Othman. Or cela signifirait rappeler un des arguments du conflit de succession d’Othman, comme lui Banu Omeyya. Il a au contraire du les atténuer pour légitimer et son pouvoir, car le califat d’Othman est le point de rupture de l’histoire musulmane. Toutes les différences entre les différentes traditions musulmanes prennent leur origine dans le conflit de succession, la Fitna, qui continue violemment à cette époque. Abd el-Malik n’a pas pu écrire une tradition qui dit que les soldats d’Othman se sont introduits par la force chez Ibn Mas’ud pour bruler sa recension du Coran. A fortiori pour légitimer ses réformes du Coran imposées par la force par al Hajjaj, Au contraire il devait tout faire pour rendre Othman légitime.

Alors pourquoi l’auteur le choisit ? Parceque la découverte des nouveaux manuscrits et leur connaissance grandissante par le public rend impossible les spéculations passées sur des ré écritures tardives du Coran. Pour se conformer aux datation au carbonne 14 des premiers manuscrits complets du Coran8, utiliser comme dates 685 à 705, avec un pouvoir reconnu par la tradition (qui tout d’un coup devient valable comme source historique), c’est inespéré. Et permet de choquer le sunnisme sur le Coran en respectant ses fondements historiques, le califat Omeyyade.

Toutes les recherches viennent au contraire à montrer qu’il n’y a eu que de très faibles variations du texte. A savoir : un verset sur l’envie, l’ordre des sourates, deux sourates en remplacement des deux dernières sourates du corpus8, ainsi que les propositions chiites visant à souvent lire Ali. Les différentes lectures, y compris Hamza comme survivance de la lecture d’Ibn Mas’ud confirment le texte. Ce qui aurait été rajouté à l’époque d’Abd al Malik par Al Hajjaj et Hassan al Basri sont les points de séparations des versets.

S’il faut faire la critique de l’écriture de l’histoire, l’hermeneutique franco française autour de la laïcité, qui vise à prevenir l’intervention des discours critique des grands récits dans la vie publique, explique les propositions historiques des hyper critiques français, qui nie à l’Islam son rôle social de critique des injustices. Nous rappelons alors cette filiation avec le passé orientaliste, et une époque, la fin du XIXe et son rejet des monothéismes, des lumières et de la Révolution Française pourtant cadre toujours proclamé mais constemment remanié de notre république, et le socialisme, auquels on oppose le cadre economique et politique présenté comme “naturel” et bastion de la “nature humaine”, inchangeable et qui serait responsable de tout les maux actuels. L’orientalisme aime donc les Omeyyades et comme eux occulte la critique sociale de l’Islam.

On pourra donc légitimement s’étonner qu’un courant semblant si fortement positiviste dans son approche ne propose que de la sépculation fondée sur elle même, relisant à sa guise et selon sa propre hermenteutique les données disponibles. Nous laissons le lecteur estimer à quel point il s’oppose de façon progressiste à la tradition.



1. Quraysh and the Roman army: Making sense of the Meccan leather trade, Cambridge University Press: 26 March 2007
2. Voir La voix et le calame. Les chemins de la canonisation du Coran (5) – François Deroche (2014-2015) et Recherches actuelles sur les manuscrits coraniques (12) – François Déroche (2021-2022)
3. Le dernier évenement pre Islam connu dans l’hsitoire de Muhammad est le Hilf al-Fudul. Lire aussi Le capitalisme mecquois et la révolution de l’Islam, et ses références, en particulier Wolf, The Social Organization of Mecca and the Orgins of Islam, et Ibrahim, « Social and Economic Conditons in Pre-Islamic Mecca », International Journal of Middle East Studies, dont le livre, Merchant Capital and Islam, est le fil conducteur de l’article sur Oumma.
4. Pour une lecture érudite et intelligente des références coraniques au judéo christianisme et aux révélations précentes, lire :
– Emran El Badawe, “The Qur’an and the Aramaic Gospel Traditions” (Routledge, 2013), la seule introduction vaut bibliographie sur le sujet.
Holger Zellentin, The Qurʾān’s Legal Culture: The Didascalia Apostolorum as a Point of Departure (Tübingen: Mohr Siebeck, 2013), ainsi que ses écrits disponibles en ligne.
– Catherine Pennaccio, Les emprunts à l’hébreu et au judéo-araméen dans le Coran, Collection « Itinéraire poétique, Itinéraire critique », Librairie d’Amérique et d’Orient, Jean Maisonneuve, Paris, 2014.
5. Le Canon éthiopien contient des textes anciens et apocryphes dont le rapport au Coran est souvent cité, entre autre des versions eunomiennes de la Didaché et la consitution apostolique, Enoch, 4Esdras, le livre des Jubilés, etc. Les pratiques de l’Eglise Ethiopienne témoignent aussi ancienneté et proximité avec l’Islam, les ablutions, les interdits alimentaires, le voile, le sabbat. L’impasse sur ce sujet est incomprehensible et mérite des recherches nouvelles.
6. On en trouvera une critique magistrale, partisane et sans finesse (à coup de marteau ?) chez Luckacs. Voir l’excellente recension de Nicolas Tertulien, La destruction de la raison trente ans après. Notons à sa suite et trop rapidement l’importance d’Aristote dans le réalisme. Que l’on retrouve dans l’eunomianisme.
7. En particulier dans la préservation des liens sociaux et familiaux, malgré le rejet monothéiste du culte des ancêtres, également présent dans le Coran. Pour l’importance de l’Islam comme survivance des pratiques bédouines pour les tribues qui rejoignent le mouvement, voir Marco Demichelis, Kharijites and Qarmatians: Islamic Pre-Democratic Thought, a Political-Theological Analysis, p.109-110 et les références qu’il fournit.
8. Voir l’ensemble évoqué dans Sadeghi, B., Goudarzi, M., Ṣan‘ā’ 1 and the Origins of the Qur’ān, Sadeghi, , Behnam / Goudarzi, , Mohsen, Der Islam. Et la compilation importante d’A. Jeffery, Materials for the History of the Text of the Qur’?n, Leyde, 1937, p. V-VI. Rappelons que l’on parle de mushafs complet possédés par les compagnons, qui manquent de variation significatives hormis celles évoquées plus haut. A ce propos il serait interessant de rappeler le gros effort de la première communauté musulmane, qui enseigne à ses membres la lecture et l’écriture. Ainsi, à Dar al-Suffa, annexe de la mosquée de Médine où les compagnons apprennent la récitation du Coran, ils apprennent aussi à l’écrire.

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Philosophie d’un islam post-fondamentaliste par Hassan Hanafi

PHILOSOPHIE D’UN ISLAM POST-FONDAMENTALISTE
par Hassan Hanafi
ESKA | « Maghreb – Machrek » 2015/2 N° 224-225

Excellent article disponible en ligne à l’adresse :

http://www.cairn.info/revue-maghreb-machrek-2015-2-page-105.htm

et en pdf ici :

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Mahdi Amel, marxiste libanais


Traduction d’un article de Frontline pour Ballast

« Après la chute de l’URSS, les échecs des mouvements de libération nationale et de l’unité arabe, les populations ont perdu leurs idéaux, elles se sont ruées sur l’islamisme, y voyant une alternative, un nouvel espoir. Sur le plan politique, cette montée en puissance de l’islamisme constitue une régression », déclarait George Habbache, leader socialiste du Front populaire de libération de la Palestine, dans les années 2000. Mahdi Amel a été l’un des grands noms du marxisme et de l’anticolonialisme : théoricien et membre actif du Parti communiste libanais, il fut assassiné en 1987, en pleine guerre civile libanaise. De retour de son pays natal, l’historien indien Vijay Prashad, auteur cette année de Struggle Makes Us Human: Learning from Movements for Socialism, avait brossé son portrait.


Le 18 mai 1987, Hassan Hamdan, professeur à l’Université libanaise et membre du comité central du Parti communiste libanais (PCL), quittait son appartement situé dans l’ouest de Beyrouth. Hamdan tourna à droite — il allait faire des courses. Dans la rue d’Algérie, non loin de son domicile, deux hommes l’accostèrent. Ils crièrent son nom ; il se retourna ; ils lui tirèrent dessus. Blessé, il fut conduit par un passant à l’hôpital de l’Université américaine de Beyrouth, où il mourut. Il avait 51 ans. Le Liban était alors en pleine guerre civile, « les événements » (al-ahdath), qui a duré de 1975 à 1990. Ses multiples phases ont vu s’affronter les différentes catégories de la société libanaise ainsi que ses milices — qui ont souvent agi par procuration pour des puissances étrangères.

Les Palestiniens et la gauche se sont unis pour combattre la droite chrétienne : cette lutte s’est muée, via l’intervention militaire syrienne et israélienne, en une guerre brutale visant à supprimer les bases palestiniennes au Liban. Lorsque les Palestiniens ont été expulsés vers la Tunisie en 1982, la guerre s’est métastasée en une attaque contre la gauche. Les milices islamistes ont ainsi déclenché une guerre contre les communistes, lesquels disposaient de bastions puissants dans le Liban tout entier. En 1984, leurs militants ont capturé cinquante-deux communistes avant de les forcer à abjurer leur athéisme et de les tuer, puis, selon le Parti communiste, de jeter leurs corps dans la Méditerranée.

« Les milices islamistes ont ainsi déclenché une guerre contre les communistes, lesquels disposaient de bastions puissants dans le Liban tout entier. »

Le 17 février 1987, Hussain Muruwwa était allongé dans son lit. Muruwwa était lui aussi un intellectuel du PCL ; il s’était blessé à la jambe. Il était le rédacteur en chef du journal du parti, Al-Tariq, et avait écrit une série de livres qui, tous, rappelaient que la culture arabe ne se bornait pas à la religion et aux sentiments : elle était aussi profondément enracinée dans les champs de la science et de la raison. Mais ce sillon de culture matérialiste — manifeste chez des penseurs du Xe siècle comme Fârâbî et Ibn Sina (Avicenne) — avait été nié par l’érudition islamiste. Des hommes sont entrés dans la maison de Muruwwa et l’ont abattu ; il avait 78 ans.

L’assassinat de Muruwwa eut lieu dans un contexte de lutte entre le parti et les islamistes. Selon Jamil Nahmi, directeur général de la Sûreté générale du Liban, ce combat a opposé « le fondamentalisme religieux et la doctrine communiste » : deux idéologies irréconciliables qui se sont affrontées pour la première fois dans le sud du Liban. D’après le Parti communiste libanais, dans les dix jours qui ont suivi, plus de quarante de ses membres ont été tués et dix-sept autres enlevés. Un cheikh de la ville de Nabatiye avait émis une fatwa, laquelle déclarait : « Aucun communiste ne doit être autorisé à rester dans le sud du Liban. » C’était une condamnation à mort. Les anciens villages communistes ont alors été attaqués. Adham al-Sayed, l’actuel secrétaire de la section de jeunesse du parti, les qualifie de « villes martyres » — à l’instar de Srifa, Kafr Rumman et Houla, elles étaient autrefois des « forteresses du parti ». Ses membres y perdirent la vie ou durent fuir, quand ils n’abandonnèrent pas tout simplement la politique. Même si rien de concluant ne saurait être affirmé, l’assassinat de Hassan Hamdan fait partie de cette bataille. Des officiers de police de haut rang se plaignent du manque de renseignements : « Après tout, avance l’un d’eux, nous sommes au Liban. » Comme pour le meurtre de Muruwwa, les théories abondent mais nous ne disposons de rien de concret. Les rapports de police n’existent tout simplement pas.

[Combattante palestinienne à Beyrouth, 1976 | Catherine Leroy]

Peu de gens connaissent Hassan Hamdan de son vrai nom : il est aujourd’hui connu sous celui de Mahdi Amel. Il représente, dans le monde arabe, l’un des théoriciens marxistes les plus respectés et les plus appréciés de sa génération. Hamdan a beaucoup écrit ; il a laissé derrière lui une vingtaine de livres importants, de la théorie révolutionnaire à la poésie. Dans son appartement, son fils Redha me dit que la famille et le centre culturel Mahdi Amel continuent de recevoir des témoignages sur la portée inspiratrice de son œuvre. Durant le soulèvement en Tunisie [2010–2011], des étudiants ont peint une fresque de Mahdi Amel sur les murs de leur campus. Son portrait les observait d’en haut, avec son regard bienveillant. Ses livres — tous en arabe — sont toujours imprimés et ses travaux continuent d’être mobilisés par les intellectuels arabes. Vingt-six ans se sont écoulés depuis sa mort mais peu de choses semblent avoir disparu de son œuvre.

Dans un coin de son bureau se trouve sa table de travail. Y siège désormais son portrait. C’est là qu’il s’asseyait et travaillait la nuit tandis que sa famille dormait. Il était habité par un problème simple : comment produire des concepts marxistes fidèles à la réalité arabe ? Cette question n’a cessé de tourmenter les penseurs du tiers-monde depuis qu’ils ont rencontré ce courant de pensée. Les Sept essais d’interprétation de la réalité péruvienne (1928) du marxiste péruvien José Carlos Mariátegui cherchaient à comprendre l’histoire et les luttes des peuples indigènes des Andes, parallèlement à leur domination par les conquistadors espagnols et à la création de nouveaux systèmes fonciers et d’organisation du travail. Nos devoirs et les tâches des pays étrangers (1930), du socialiste égyptien Salama Moussa, s’employait à présenter un récit de la société égyptienne à l’aide des concepts socialistes. L’histoire du Kerala [État du sud de l’Inde, ndlr] d’E.M.S. Namboodiripad [communiste indien mort en 1998, ndlr] et son rapport sur le projet de loi sur le fermage des terres de 1938 font partie de cette tentative. Dans l’un des premiers essais de Mahdi Amel, Colonialisme et sous-développement, publié dans Al-Tariq en 1968, il écrivait : « Si vous voulez vraiment que notre propre et véritable pensée marxiste voit la lumière et soit capable de voir la réalité d’un point de vue scientifique, nous ne devrions pas partir de la pensée marxiste pour l’appliquer à notre réalité mais, plutôt, partir de notre réalité comme mouvement fondateur. » Si l’on part du développement historique d’une société et de ses propres ressources culturelles, « ce n’est qu’alors que notre pensée peut véritablement devenir marxiste1 ». Cette pensée ne pouvait être appliquée telle quelle. La réalité du « retard » colonial (takhalluf) devait être explorée et l’élaboration du marxisme devait en tenir compte.

« La guerre d’Algérie battait son plein et de Gaulle n’autorisait pas la moindre dissidence dans le pays. Hamdan quitta donc la France pour l’Algérie en 1963. »

Les Arabes portaient le stigmate d’être « sous-développés », écrit Mahdi Amel — comme s’ils n’étaient capables que d’échouer. La ruine des Arabes n’était cependant pas due à leur culture mais à ce qui leur était arrivé : la domination coloniale, longue de cent ans, avait modifié les structures de la politique, de l’économie et de la société. Les notables arabes avaient été mis sur la touche ou absorbés dans ce nouveau monde, réduits à n’être que les représentants de forces vivant ailleurs. Les nouvelles élites émergentes incarnaient des forces extérieures et non celles de leurs propres populations : quand Paris éternuait, ils s’enrhumaient. L’ambassadeur des États-Unis devint ainsi plus important que les élus. (Une vieille blague circulait : « Pourquoi n’y a‑t-il pas de révolution aux États-Unis ? Parce qu’il n’y a pas d’ambassade des États-Unis »). L’expérience du « sous-développement » n’incombe pas aux Arabes, avançait Mahdi Amel, mais procède de cette restructuration de leur existence ; le marxisme devait sérieusement en tenir compte. À la même époque, l’universitaire pakistanais Hamza Alavi proposait sa théorie du mode de production colonial ; en Inde, on débattait sur les modes de production ; le marxiste égyptien Samir Amin avait produit des travaux sur le même thème. Comme eux, Mahdi Amel analysait le « sous-développement » non pas en termes culturels mais en termes de structure de l’ordre mondial : le Sud fournit les matières premières tandis que le Nord produit les biens finis et accumule l’essentiel de la richesse sociale. Ce sentiment de « sous-développement » reflétait cet ordre ; le désordre politique du Sud était également lié à cette subordination économique. Tous ces penseurs ont — avec plus ou moins de succès — tenté d’en fournir la théorie.

Le chêne rouge

Né en 1936, Hassan Hamdan a quitté le Liban vingt ans plus tard pour étudier la philosophie à Lyon, en France. Tout espoir de possibilité progressiste s’était éteint dans son pays natal. Le nationalisme arabe et le communisme avaient commencé à s’ancrer au Liban mais un soulèvement armé conduit par ces deux forces avait été écrasé par l’élite libanaise, épaulée par une intervention militaire américaine. En France, Hamdan a alors rejoint un groupe clandestin de communistes arabes. La guerre d’Algérie battait son plein et de Gaulle n’autorisait pas la moindre dissidence dans le pays. Hamdan quitta donc la France pour l’Algérie en 1963, où, avec sa femme Évelyne Brun, ils aidèrent à bâtir la nation nouvellement indépendante. Dans la ville provinciale d’Al-Qustantiniyah (Constantine), Évelyne Brun enseignait le français et Hamdan donnait des cours du soir sur Frantz Fanon, récemment décédé. Hamdan publia d’ailleurs son premier article sur Fanon dans la revue Révolution africaine.

[Combattants palestiniens à Beyrouth, 1976 | Catherine Leroy]

L’effervescence politique qui se développait de nouveau au Liban provoqua le retour de Hamdan dans son pays natal. Le Parti communiste libanais y avait tenu son deuxième congrès en 1968 où, comme le souligne aujourd’hui le leader de la jeunesse Adham al-Sayed, « nous avons mis nos propres concepts, notre propre théorie au premier plan ». Le parti prenait ses distances avec l’approche soviétique de la question palestinienne et s’engageait pleinement dans la résistance à Israël ainsi que dans la construction du mouvement national arabe. Suite à ce congrès, le ministre de l’Intérieur Kamal Joumblatt, du Parti socialiste progressiste, sanctionna officiellement le PCL. Entre 1970 et 1975, tandis que la gauche émergeait de la répression, l’activité syndicale augmentait : on comptait alors trente-cinq grèves par an. La forte implication militante au cours de la grève des travailleurs de l’alimentation de Ghandour, en 1972, s’est accompagnée d’un renouveau du mouvement étudiant. En 1974, cinquante mille personnes ont manifesté contre la privatisation de l’enseignement — le vétéran Elias Habr, leader syndical du Parti communiste libanais, déclarera qu’il n’avait jamais vu une telle manifestation de sa vie. Dans les champs de tabac du sud du Liban, les agriculteurs avaient également suivi le mouvement : l’Union des producteurs de tabac du Sud-Liban tentait de s’extraire de la tutelle des anciens notables.

Hamdan emprunta son nom de plume — Mahdi Amel — aux montagnes du Sud-Liban : le Jabal Amel, foyer chiite du pays. C’était une zone de grande misère économique. Le tabac est une culture hostile : il est difficile à cultiver et ses effets sont plus redoutables encore pour le fumeur, mais il permet de vivre. Les paysans de la région avaient progressivement abandonné leurs cultures de subsistance afin de cultiver cette plante plus rémunératrice ; mais l’argent qu’ils recevaient était peu important car le monopole d’État semblait toujours avoir la meilleure part du marché. Tandis que les luttes émergeaient du mouvement communiste, Mahdi Amel voyagea à travers les régions dans lesquelles on cultivait le tabac, donnant des conférences sur le marxisme et sa pertinence quant aux problèmes contemporains du Liban. Il parlait dans les maisons et les mosquées, se souviendra Évelyne Brun, et était écouté « avec un silence religieux ». Il expliquait comment fonctionnait le « sous-développement » et quelles étaient les intentions de la droite libanaise (les Phalanges) en tant que représentante des forces extérieures. Évelyne Brun le dira des années plus tard : Amel était connu comme « l’homme à la barbe verte » et avait atteint un statut légendaire parmi les agriculteurs. Elle rappellera l’un des thèmes majeurs de son œuvre : « Être marxiste, c’est être une personne capable d’apporter des réponses aux problèmes de la vie quotidienne. » Durant l’occupation israélienne de Beyrouth en 1982, Mahdi Amel s’est ainsi jeté dans l’organisation de la distribution de l’eau avec autant d’énergie qu’il en avait déployée pour aider à construire la résistance armée. Nulle hiérarchie entre ces différents problèmes : on ne peut renverser la condition de « sous-développement » si l’on ignore les souffrances quotidiennes des gens.

Quand un arbre tombe

« Ces deux dernières décennies, la gauche du monde arabe a terriblement souffert. Les partis communistes ont été largement détruits par les régimes nationalistes arabes. »

Mahdi Amel a été tué en 1987, deux ans avant que l’expérience soviétique ne s’effondre. Le PCL avait alors déjà subi d’importants revers. Son entrée dans la guerre civile libanaise signifiait qu’il devait céder à la rhétorique du sectarisme, à la guerre entre chrétiens et musulmans : il était impossible de ne pas être aspiré dans cette spirale, avait-il noté dans ses livres à ce propos. Il lui devenait difficile de soutenir le parti dans ce contexte ; il commença à s’essouffler.

Ces deux dernières décennies, la gauche du monde arabe a terriblement souffert.

Les partis communistes ont été largement détruits par les régimes nationalistes arabes. La possibilité de se développer a paru limitée et l’activité syndicale s’est avérée plus difficile qu’auparavant — la délocalisation des entreprises rompant les liens avec les anciennes traditions syndicales et l’importation de travailleurs migrants, pourvus de visas restrictifs, rendant le syndicalisme pratiquement impossible. L’essor de la religion en politique et l’augmentation du sectarisme ont rendu l’univers sévèrement rationnel du marxisme visiblement étranger à la vie quotidienne. Des mouvements politiques dynamiques ont toutefois émergé dans les années 1990 et 2000 — en solidarité avec la Palestine, dans les courageux secteurs syndicaux des mines de Tunisie et des usines d’Égypte, au sein de nouveaux mouvements sociaux autour des droits des femmes et des travailleurs migrants. L’agrégation de ces efforts a conduit directement à l’irruption survenue en 2011 : le Printemps arabe. L’expression de ces nouvelles initiatives de gauche sont visibles encore de nos jours dans tout le monde arabe. En Égypte, par exemple, le mouvement Eish we Horria (Pain et liberté) s’est tourné vers la tradition socialiste et imagine un nouveau type de politique pour lutter contre un État dominé par les militaires et l’islam politique2. Tout, cependant, n’est pas rose. En Tunisie, la gauche semblait la mieux placée pour prendre en charge l’avenir du pays via le Mouvement des patriotes démocrates mais l’un de ses leaders, Chokri Belaïd, a été assassiné devant son domicile le 6 février 20133 [par un membre de Daech, ndlr] : il avait 48 ans. Belaïd, comme Mahdi Amel, écrivait des poèmes ; l’un d’eux portait sur l’assassinat de Hussain Muruwwa.

La roue tourne et, parfois, se répète.


Article original disponible sur https://www.revue-ballast.fr/mahdi-amel-marxiste-libanais/

Traduit de l’anglais par la rédaction de Ballast | Vijay Prashad, « The Arab Gramsci », Frontline, 21 mars 2014


  1. Traduit par Hisham Ghassan Tohme.
  2. Avant que l’arrivée au pouvoir du général al-Sissi, en 2014, ne plonge l’Égypte dans un nouveau régime autoritaire où toute contestation est sévèrement réprimée [ndlr].
  3. Le 17 décembre 2014, Boubaker El Hakim (sous le nom de guerre d’Abou Mouqatil) a revendiqué, en Syrie, son assassinat : « Oui, tyrans, c’est nous qui avons tué Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. […] Nous allons revenir et tuer plusieurs d’entre vous. Vous ne vivrez pas en paix tant que la Tunisie n’appliquera pas la loi islamique. » [ndlr]

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Slimane KIOUANE, ANARCHISTE KABYLE ET MUSULMAN

Né à Alger le 14 juillet 1896, mort à Saint-Affrique (Aveyron) le 19 avril 1971 ; militant de l’UA et de la FA

Militant d’origine kabyle, Slimane Kiouane était en 1923 l’animateur avec Mohamed Saïl* du Comité d’action pour la défense des indigènes algériens fondé par la Fédération anarchiste de la région parisienne. En 1925 il était membre de la commission administrative de l’Union anarchiste (UA) et le 3 avril 1932 fut le délégué d’Ermont au congrès de la FA parisienne. En mars 1935, il participait en tant que “comique” à la grande fête artistique organisée salle de la FNCR (16 rue des Apennins) au profit du journal La Clameur.

Après la Seconde Guerre mondiale, Slimane Kiouane, qui habitait 60 route de Saint Leu à Ermont et était père de deux enfants, milita à la Fédération anarchiste. Dans les années 1950 il participa aux souscriptions en faveur du journal Contre Courant (Paris) de L. Louvet. Lors de sa retraite il se retira avec sa femme en Aveyron. Son nom apparaissait toujours dans les années 1960 dans les listes de souscripteurs au Monde Libertaire, organe de la Fédération anarchiste.

Slimane Kiouane est mort à l’hôpital de Saint-Affrique (Aveyron) le 19 avril 1971.
Contrairement à ce que disent certaines sources, Kiouane n’était pas un pseudonyme de Mohamed Saïl, un autre militant algérien.

article original : https://maitron.fr/spip.php?article154173

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Hilf al-Fudul

Voici un événement d’une importance majeure pour la compréhension de l’Islam. C’est, avec le mariage à Khadija, le dernier évenement connu de la vie de Muhammad, 20 ans avant la descente du Qur’an.

Il s’agit d’une alliance de plusieurs clans mecquois, visant à défendre les personnes en marge, sans protection d’un clan. Ce pacte est lancé par Al Zubayr ibn ‘Abd al Muttalib, l’oncle de Muhammad, qui déclare “par ce pacte l’étranger pourra renverser ceux sous protection locale, Al-fudul fit qu’il ne restera au coeur de La Mecque aucune injustice.”

Hilf al-Fudul (en arabe : حِلْفُ الفُضُول), le plus souvent traduit par Pacte des vertueux1, est une alliance parmi les Quraysh conclue en 590 à La Mecque2, en vue établir la justice pour tous par l’action collective, en particulier pour ceux qui n’avaient aucun lien de protection avec une tribue. La participation du futur prophète de l’Islam Mahomet lui donne un rôle important dans l’éthique islamique.

Contexte historique

La création du Hilf al-Fudul a lieu 20 ans après l’année de l’éléphant, en 590 CE, au retour de Quraysh de la bataille de Fijar : la bataille de Fijar a eu lieu à Shawwal et Hilf al-Fudul a été faite à Dhu l-Qa’da.3 Cette guerre permet aux Mecquois de reprendre des perses le contrôle de la route commerciale entre Al-Hirah et le Yémen4.

Le principe mecquois de hilf, conçu plut tôt par Hachim ibn Abd Manaf consistait à établir de nouvelles alliances entre marchands de rangs équivalents, qu’ils soient mecquois ou étrangers. Cela permettait de former des alliances commerciales en dehors de La Mecque et de modifier la balance du pouvoir à l’intérieur de la société mecquoise. La pratique pouvait être à l’origine de nouveaux clans, comme ce fût le as pour les Banu Fihr1. Ces alliances transformèrent la socialisation tribale traditionelle et les relations sociales mecquoises. 5.

Le succès des nouvelles institutions mise en place par Hashim, le hilf, mais aussi le ilaf, qui permet des accords commerciaux, vont déborder la structuration tribale traditionelle des Quraysh. Les nouvelles alliances devenant plus structurantes que les liens de parentés et les rapports de solidarités. Un clan était maintenant formé autour d’un sayyid, marchand, et ses alliés halif. Des marges se forment en dehors de la structuration tribale, des esclaves,qinn, et des mawla, ancien esclaves, personnes endettés auprès des marchands, et le surplus des tribues environnantes, parfois endettés également, venant travailler à La Mecque15.

Déclenchement

Un marchand yéménite de la tribue Zabid est arrivé à La Mecque avec des marchandises, qu’il a vendu à Al-As ibn Wa’il al-Sahmi (Banu Sahm, le père de Amr ibn al-As) l’un des nobles Quraysh. Sachant que le yéménite n’avait aucun allié, il a ensuite refusé de le payer. Le Zabidi a demandé l’intervention des Quraysh mais ils ont refusé d’intervenir, à cause de la position d’Al-As ibn Wa’il. Plus tard, le vendeur a décidé de monter sur Abu Qubays, une montagne près d’al-Masjid al-Haram et a répété à haute voix des poèmes appelant à la justice :

« يا للرجال لمظلوم بضاعته ببطن مكّة نائي الدار والنفر

ومحرم أشعث لم يقض عمرته يا للرجال وبين الحجر والحجر

إنّ الحرام لمن تمت كرامته ولا حرام لثوب الفاجر الغدر »

— Ibn KathirSirat Al Nabawiyya [archive]

« ô les hommes lésés dans leur bien au cœur de La Mecque, distant de sa maison et ses gens

Un protégé transgressé qui n’a pas troqué ses jours, ô les hommes entre al-Hijr et la pierre

Certes l’interdit pour qui l’honneur est achevé, pas l’interdit pour l’immorale traitrise »

— Ibn KathirHistoire des Prophètes

Le Pacte

Al-Zubayr ibn Abd al-Muttalib, l’oncle du prophète Mahomet et l’un des anciens de Quraysh, fut la première personne à parler de Hilf et à y inviter les gens6Mahomet, le futur prophète de l’Islam alors agé de 30 ans prend par au pacte. Les anciens de plusieurs clans mecquois se sont réunis à Dar al-Nadwa, au Nord de la Kaʿba, qui hébergeait l’assemblée des notables (malaʾ), et ont accepté de revendiquer les droits du vendeur. Puis, ils se sont réunis dans la maison de ‘Abd Allah b. Jud’an al-Taymi7. Ils ont convenu entre eux que si un étranger ou quelqu’un de La Mecque était traité injustement, ils l’aideraient à réclamer son droit à l’oppresseur, et se sont engagés à respecter les principes de justice et intervenir collectivement dans les conflits pour établir la justice. Le pacte créé une protection pour les personnes qui ne sont pas rattachés, et donc défendus par un clan ou une alliance parmi les mecquois. Hilf al-Fudul fût considérer le pacte le plus honorable et le plus noble qui soit resté parmi les Arabes jusque-là, d’où son nom. Al-Zubayr ibn Abd al-Muttalib déclama les vers suivants :

« حلفت لنعقدن حلفا عليهم … وإن كنا جميعا أهل دار

نسميه الفضول إذا عقدنا … يعز به الغريب لذي الجوار و يعلم من حوالي البيت أنا … أباة الضيم نمنع كل عار

و قال الزبير أيضا :

إن الفضول تعاقدوا و تحالفوا … ألا يقيم ببطن مكة ظالم

أمر عليه تعاقدوا و تواثقوا … فالجار و المعتر فيهم سالم »

— Ibn KathirSirat Al Nabawiyya [archive]

« “Je jure, faisons un pacte contre eux, bien que nous ne soyons qu’une tribue.

Nous l’appellerons al-fudul; si nous en faisons un pacte l’étranger pourra renverser ceux sous protection locale, Et ceux qui tournent autour de la Ka’ba sauront que nous rejetons l’injustice et préviendrons toute traitrise”

Et dis plut tard :

“Al-fudul fit qu’il ne restera au coeur de La Mecque aucune injustice,

Ce fût un sujet largement accepté qui fit qu’un étranger sans porotection était sauf au milieu d’eux.” »

— Ibn KathirHistoire des Prophètes

Pour rendre le pacte impératif et sacré, les membres sont entrés dans la Ka’aba et ont versé de l’eau dans le récipient pour qu’elle coule sur la pierre noire. Alors chacun y but. Ensuite, ils ont levé la main droite au-dessus de leur tête pour montrer qu’ils seraient solidaires dans cette entreprise. Le pacte a été écrit et placé à l’intérieur de la Ka’aba8. Puis ils sont allés à al-As ibn Wa’il et lui ont pris ce qu’il devait au Zabidi et l’ont remis. Un autre aspect du pacte était qu’il ouvrirait le marché de la Mecque aux marchands yéménites, qui sans lui en aurait été exclus4.

Les Clans Mecquois

Les clans Quraysh qui forment le hilf sont Banu HachimBanu ZuhrahBanu MuttalibBanu Asad et Banu Taym. M. Watt note la continuité avec le hilf al-Muthayyabun (le pacte des parfumés), lors du conflit de sucession de Qusay, à l’exception notable des tribus ‘Abd Shams et Nawfal, qui s’étant enrichis dans leurs affaires commerciales avaient rejoint les Ahlafs (les confédérés, principalement Banu Makhzum et Banu Sahm) en 9059.

Pour Watt, les ‘Abd Shams et Makhzum ayant pris le contrôle du commerce avec le Yémen, si les marchands Yéménites ne venaient plus à La Mecque, les autres clans auraient été définitivement exclus du commerce avec ce pays. M. Watt note que les musulmans qui ne s’exilèrent pas en Abyssinie faisaient parti des tribues du hilf al fudhul, et que lors de la bataille de Badr, ces clans sont toujours en oppositions puisque tous les chefs Mecquois proviennent des clans plus puissants. 1,4.

Suites

Ce pacte a marqué le début d’une certaine notion de justice à La Mecque, qui serait plus tard répétée par Mahomet lorsqu’il prêcherait l’islam10Mohamet continuera plus tard de reconnaitre la validité et la valeur du pacte, bien que la plupart des membres soient non musulmans. Plus tard, après avoir proclamé l’islam, il dit : ” Dans la maison d’Abdullah ibn Jud’an, j’étais présent à une alliance qui était telle que si j’étais invité à y participer maintenant en Islam, je le ferais encore.” Son mariage et sa participation au Hilf al-Fudul sont les derniers évenements historiques connus de Mahomet avant l’Islam. Il a alors 20 ans et les 20 années suivantes de sa vie sont peu documentées111213.

A l’époque omeyyade, à certaines occasions des menaces ont été faites de faire appel à nouveau à ce pacte. Par exemple, sous l’ère du calife Muʿawiya IerAl-Walid ibn Utba ibn Abi Sufyan (‘Abd Shams) s’appuyant sur le fait qu’il était le neveu du calife, a commis une injustice au détriment d’Al-Hussein ibn Ali a propos de certains bien qu’ils possédaient en commun. Al-Husayn, scandalisé par la démarche arbitraire du gouverneur Omeyyade, déclara que si Al-Walid ne reconnaissait pas ses droits,il ferait appel à l’alliance du Fudul. Des Mecquois influents, tels que Abd Allah ibn az-Zubayr (Assad), Al-Miswar bin Makhrama Al-Zuhri et ‘Abd al-Rahman ibn Uthman al-Taymi ont juré de l’aider conformément aux engagements du pacte et et le gouverneur al-Walld, troublé par la peur des conséquences possibles, a cédé à tous égards à al-Husayn.13.

La participation du futur Prophète Muhammad est important pour plusieurs raisons :

– Il s’inscrit dans un conflit de longue durée au sein des Quraysh, entre les clans puissants, en particulier Banu Makhzoum et Banu Umayyah, et ceux plus faibles, dont les Banu Hashim et Muttalib, la famille du Prophète. Les clans Quraysh ici prit en flagrante injustice, seront les mêmes qui persecuteront les premiers musulmans et seront en conflit armé avec l’Islam de Badr jusqu’à la prise de La Mecque.

– Il montre la destruction du lien social de la société mecquoise à l’époque du prophète, et comment la disparition des solidarités familiale et tribale créé de nombreuses situations d’injustice. L’Islam par la suite visera à rétablir les solidarités, et formera un nouveau groupe, dont le lien par la foi transcendera les anciennes solidarités familiales puis économiques.

– Les premières sourates Mecquoises insistejnt sur la justice dans les transactions, l’importance de la solidarité, en particulier auprès des orphelins, la suffisance des riches, l’avenir catastrophique des sociétés injustes.

Il montre que Muhammad prennait déjà parti 20 ans avant la révélation pour les personnes sans défense. Ses amis avant l’Islam et les premiers convertis sont des esclaves, affranchis ou non et des mawla. Ils montrent également des proximités avec le hilf al fudul, (dont la “yéménite connection”) :

— Son fils adoptif Zayd ibn Haritha est un esclave libéré par Muhammad

–Ammar ibn Yassir , enfant d’esclave, était déjà un de ses amis avant l’islam.

— Bilal, un des tous premiers convertis est un esclave noir

–Suhayb al Roumi, affranchis venu de Byzance à La Mecque, est un ami de Abdallah ibn Jubayn qui hébergea le hilf al fudul

— Miqdad Ibn Aswad, un mawla en fuite du Yémen, va épouser Duba’a, la fille d’Al Zubayr abd al Muthalib, l’oncle de Muhammad à l’initiative du hilf al fudul.

— Khabbab ibn al Aratt et ‘Amir ibn Fouhayra sont des esclaves et font partis des tous premiers convertis

Ce sont eux qui vont subir de plein fouets les persécutions des Quraysh. Rejoignent également des bédouins de tribues pauvres dont Abu Dharr al Ghifari, qui restera un défenseur des pauvres et de la justice toute sa vie. Abu Mussa al Ashari, un des tous premiers convertis et référence pour le Coran vient du Yémen.

Khadija la femme du prophète fait parti d’un clan du hilf, ils se marient a peu près au moment du pacte. Abu Bakr et les convertis qu’il emmenne avec lui font tous partis des clans du hilf.

Tous ces éléments montrent que les débuts de l’Islam sont ancrés dans un combat pour la justice. Watt note que les musulmans qui ne s’exilèrent pas en Abyssinie faisaient parti des tribues du hilf al fudhul. Cela interroge, car le hilf ne réussit pas à apporter protection aux personnes sans famille face aux persécutions anti musulmane de Quraysh. Le premier groupe de musulman semble poursuivre une reconnaissance, mais aussi radicalisation du hilf, en regroupant en pratique les personnes subissant l’injustice. Le groupe rassemblé autour de Muhammad va se heurter à un très vive opposition des principaux clans de Quraysh lors de la proclamation des premières sourates du Coran.

Bibliographie

  • M. Watt, Mahomet
  • H. Lammens, La Mecque à la veille de l’Hégire, 54 sq.
  • M. Hamidullah, Le prophète de l’Islam, Paris 1959, i, 47-8. (Cn. PELLAT)
  • Ibn Hisham, Sira, éd. Sakka

Notes et références

  1. ↑ Revenir plus haut en :a b c et d Ibrahim, Mahmood (Aug. 1982). “Social and Economic Conditions in Pre-Islamic Mecca.” International Journal of Middle East Studies14(3): 355. Cambridge University Press.
  2.  Muhammad Yusuf Guraya, « JUDICIAL INSTITUTIONS IN PRE-ISLAMIC ARABIA », Islamic Studies, vol. 18, no 4,‎ 1979, p. 338 (ISSN 0578-8072lire en ligne [archive])
  3.  Aḥmad b. Abī Yaʿqūb al-Yaʿqūbī, Tārīkh al-Yaʿqūbī, vol. 2, p. 18.
  4. ↑ Revenir plus haut en :a b et c Watt, W. M. Muhammad: Prophet and StatesmanOxford University Press.
  5. ↑ Revenir plus haut en :a et b Eric R. Wolf, 1951, The Social Organization of Mecca and the Orgins of Islam, University of Chicago, Southwestern Journal of Anthropology, Volume 7, Number 4 [1] [archive]
  6.  OBAIDULLAH FAHAD, « Tracing Pluralistic Trends in Sīrah Literature: A Study of Some Contemporary Scholars », Islamic Studies, vol. 50, no 2,‎ 2011, p. 221 (JSTOR 41932590)
  7.  Najeebabadi, Akbar Shah. The History of Islam. Darussalam publishers. p. 101.
  8.  Chelhod, Joseph (Nov. 1991). “La foi jurée et l’environnement désertique.” Arabica38(3): 301.
  9.  Watt, W. Montgomery (1986). “Kuraysh”. Encyclopedia of Islam. Vol. V: Khe–Mahi (New ed.). Leiden and New York: Brill. pp. 434–435. ISBN 90-04-07819-3
  10.  Peterson (2006), p. 43
  11.  François Déroche, « Mahomet », dans Mohammed Ali Amir-Moezzi (dir.), Dictionnaire du Coran, Robert Laffont, 2007
  12.  Maxime Rodinson, Mahomet, Seuil, Paris, 1968, rééd. 1993.
  13. ↑ Revenir plus haut en :a et b (it) Leone Caetani, Annali dell’ Islam, Milan, Ulrico Hoepli, 1905-1926 (lire en ligne [archive]).

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Jésus : Allah l’a élevé vers Lui

Le Coran revient sur le récit de la crucifixion, et l’intelligence du propos n’a pas toujours été comprise. Voici le texte de la sourate Al Nissa :

  • وَقَوْلِهِمْ إِنَّا قَتَلْنَا الْمَسِيحَ عِيسَى ابْنَ مَرْيَمَ رَسُولَ اللَّهِ
  • وَمَا قَتَلُوهُ
  • وَمَا صَلَبُوهُ
  • وَلَٰكِنْ شُبِّهَ لَهُمْ ۚ
  • وَإِنَّ الَّذِينَ اخْتَلَفُوا فِيهِ لَفِي شَكٍّ مِنْهُ ۚ
  • مَا لَهُمْ بِهِ مِنْ عِلْمٍ إِلَّا اتِّبَاعَ الظَّنِّ ۚ
  • وَمَا قَتَلُوهُ يَقِينًا
  • بَلْ رَفَعَهُ اللَّهُ إِلَيْهِ ۚ
  • وَكَانَ اللَّهُ عَزِيزًا حَكِيمًا

Et leur parole : nous avons tué le Messie Jésus, fils de Maryam, messager de Dieu.

Et ils ne l’ont pas tué.

Et ils ne l’ont pas crucifié.

Mais c’était une parabole pour eux.

Et ceux qui divergent en cela sont dans le doute de cela

Ils n’ont pas en cela de savoir, seulement suivent-ils une conjecture

Et ils ne l’ont pas tué, certainement.

Au contraire, l’a élevé Allah vers Lui

Et Allah était Puissant et Sage

1. Ils ne l’ont pas tué

Dans ce texte, les juifs disent avoir tué le Messie, c’est une déformation volontaire de leur propos pour en exposer le ridicule. Les juifs ne peuvent se vanter d’avoir tué le Messie, puisqu’il est le point d’horizon de leur religion. Ils pourraient cependant se vanter d’avoir tué Jésus. Le Coran, qui reconnaît Jésus comme le Messie, les accuses ici de ne pas avoir reconnu le Messie, jusqu’au point d’avoir voulu l’assassiner. Ainsi comme le peuple qui veut bruler Abraham, ils auraient de façon définitive rejeter le messager divin. Le Coran fait de cette affirmation, une négation radicale de leur religion : se vanter d’avoir tuer Jésus, c’est rejeter Yahoshua, celui qui les amène en terre promise, c’est rejeter le Messie vers lequel toute leur religion est tournée. Une négation du judaïsme, dans les termes du judaïsme. C’est donc une parabole, un exemple pour eux.

Dans les évangiles déjà, la croix n’a pas tué Jésus, et Jésus l’affirme lui-même (Jean 10:17-18), personne ne peut le tuer, mais c’est lui qui donne sa vie, et ce pouvoir il l’a reçue d’Allah lui-même. Ils ne l’ont pas donc pas crucifié, car la croix n’est pas l’instrument de la mort Jésus. Le Coran change-t-il quelque chose ? a peine. Il enlève Jésus comme intermédiaire. Au lieu que Dieu donne à Jésus le pouvoir de rendre l’âme, Dieu prend l’âme de Jésus (tawafahu). Comme pour les chrétiens, il élève Jésus comme signe. Le Coran ne fait que rappeler les chrétiens à ce que dit la Bible et les remet dans l’interprétation juste. pour cela il corrige ce qu’ils n’ont pas compris (naskh). Rappelons auparavant ce que le Coran dit dans la sourate précédente, Al Imran, qui confirme notre lecture :

47. Les juifs imaginèrent des artifices contre Jésus. Dieu en imagina contre eux ; certes Dieu est le plus habile. 48. Dieu dit à Jésus : Je te ferai subir la mort et je t’élèverai à moi ; je te délivrerai des infidèles, et j’élèverai ceux qui t’ont suivi au-dessus de ceux qui ne croient pas, jusqu’au jour de la résurrection. Vous retournerez tous à moi, et je jugerai vos différends.

Ce texte confirme bien notre interprétation, l’agent de la mort de Jésus n’est pas les juifs, mais Allah. “Ils ne l’ont pas tué, ils ne l’ont pas crucifié (…) mais non ! Il l’a élevé, Allah, vers Lui.” Le Coran, face aux affirmations des juifs et des chrétiens, opère donc encore une abrogation : ce ne sont pas les juifs, ni la croix qui l’ont tué, ce n’est même plus Jésus qui rend son âme, sens qu’il fallait certainement comprendre à la lecture de l’évangile, le Coran dit fermement : l’acteur de l’action c’est Allah. Cela nous rappelle certainement l’histoire d’Abraham jeté au feu par son peuple (« ô feu, soit froid et salutaire pour Abraham »). Notons le verbe commun aux deux textes du Coran : « élever »,رفع.

2. Ils ne l’ont pas crucifié

La deuxième affirmation est qu’ils ne l’ont pas non plus crucifié, c’est-à-dire traité comme un criminel. Aujourd’hui on dirait “pendu”, pensez à l’expression gibet de potence. Ils prétendent avoir crucifié Jésus comme un criminel, mais par cet acte même c’est Allah qui l’a élevé vers lui. C’est bien comme ça que les chrétiens l’avaient compris : la croix, est passée du signe de l’infamie à celui de la rédemption divine.

Quand le Coran affirme, “Mais non ! Il l’a élevé, Allah, vers Lui.” La deuxième négation porte sur le sens de cette action. Jésus n’a pas été assassiné, ou ramené au rang des criminels. Allah élève Jésus vers Lui. Le terme “élever” est porteur de sens ici : Ibrahim élève la maison, Allah élève le mont Tor et Allah élève le souvenir du Prophète ; c’est donc une place de choix qui est donnée ici à Jésus, parmis 4 messagers, Ibrahim, Moussa et Muhammad.

Le terme élever, est un terme que l’évangile utilise pour la croix. Le terme reprend lui même un évènement de l’exode, et confirme une prophétie messianique :

  • (Jean 3,14) “De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle”
  • (Nombres 21:8-9) 8 Et l’Éternel dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant, et mets-le sur une perche; et il arrivera que quiconque sera mordu et le regardera, sera guéri. 9 Moïse fit donc un serpent d’airain, et il le mit sur une perche; et il arriva que quand le serpent avait mordu un homme, il regardait le serpent d’airain, et il était guéri.
  • (Esaïe 11:1-12) “1 Puis un rameau sortira du tronc de Jesse, Et une branche (naSir) naîtra de ses racines. 2 L’Esprit de l’Eternel reposera sur lui: Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de l’Eternel. (…) 8 Le nourrisson s’ébattra sur l’antre de la vipère, Et l’enfant sevré mettra sa main dans la caverne du basilic. 10 En ce jour, le rejeton de Jesse sera là comme une bannière pour les peuples; Les nations se tourneront vers lui, Et la gloire sera sa demeure. 12 Il élèvera (נָשָׂא)une bannière pour les nations, Il rassemblera les exilés d’Israël, Et il recueillera les dispersés de Juda, Des quatre extrémités de la terre.”

Nous avons ici l’une des premières interprétation de la croix pour les chrétiens, puisque c’est celle de l’évangéliste Jean, à la fin du Ier siècle. Nous voyons aussi que dans la prophéties messianistes d’Isaïe, qui est reprise par les premiers chrétiens (et dont vient probablement le terme “nazaréens” utiliser pour les premiers chrétiens et qui est repris par le Coran comme terme générique pour les chrétiens).

En utilisant le terme élevé pour corriger les discours juifs et chrétiens sur la crucifiction, le Coran inscrit son discours dans la continuité de la Torah et de l’Evangile, sur lesquels il appuie son raisonnement, pour corriger les interprétations tardives. Quand le Coran dit que les juifs n’ont pas tué ni crucifié Jésus, mais qu’Allah l’a élevé vers Lui, on ne doit pas forcément y voir une négation de la crucifixion en tant qu’évenement, mais plutôt encore une abrogation. C’est le sens qui est changé, parce qu’il a été mal interprété auparavant. Un nouveau sens est donné, qui conserve scrupuleusement le contexte biblique, que le Coran maîtrise parfaitement. Il n’y a pas ici une mécompréhension ou une négation de l’histoire des évangiles. Le Coran met en avant le principe qu’Allah n’abandonne pas ses prophètes, ni que sont morts ceux tués sur Son chemin. Ainsi il reprend les juifs qui se vantent d’avoir tué Jésus en leur montrant le côté absurde pour eux-mêmes d’une telle affirmation, comme il reprend ceux des chrétiens qui pensent que les juifs ont tué Jésus sur la croix (crime de déicide, puisque pour eux Jésus est Dieu et qui donnera des excuses à l’antisémitisme chrétien).

Au contraire Allah en a fait une semblance, que très peu comprennent. D’ailleurs proche du sens qu’en donnent les chrétiens : la croix symbole de l’infamie et des criminels, devient le symbole du pardon, de la rédemption.

3. La croix et la divinisation de Jésus

Si l’on se place dans le schéma de l’anthropologie de René Girard, il y a deux lectures de la crucifiction. Une lecture mythologique, qui la placerai dans la ligne des mythes: les juifs ont lynché Jésus pour rejeter leur fautes sur lui, tel le bouc émissaire, sa mort eu un effet cathartique, résolu leur crise et les a réconcilié. Dans un second temps, ils l’auraient divinisé et révéré son tombeau, ici la croix. Voilà une lecture sacrificielle et victimaire, qui rangerait le christianisme dans les religions primitives, et il n’est pas loin qu’une partie du christianisme se soit construit sur cette lecture mythique de Jésus, qui ai donné lieu à sa divinisation.

Or le Coran refuse la divinité de Jésus, il refuse également que Jésus puisse porter les fautes de toute l’humanité, il est donc logique qu’il refuse le lynchage de Jésus et l’utilisation de la croix comme symbole de ce lynchage. Le Coran cherche a préserver le christianisme des forces sociales qui le ramène vers une religion primitive de type sacrificielle, en rejetant un à un les points théologiques faisant de Jésus le bouc émissaire, puis la divinité de l’humanité. Il fait de l’histoire de Jésus un exemple particulier, sinon l’exemple même, de son modèle évènementiel : un messager est envoyé par Allah à un peuple transgresseur, le peuple rejette le message et son messager par la violence, Allah punit le peuple transgresseur, charge à Allah de sauver le messager, dans ce monde comme Noé ou Abraham, ou dans l’autre. Ce faisant il préserve la particularité du monothéisme, non seulement la victime est innocente, mais elle ne peut être divinisée.

Au contraire, la lecture de Jésus comme une personne innocente, un messager de Dieu rejeté car les hommes rejette son message, préserve la lecture non sacrificielle de la mort de Jésus, qui révèle les mécanismes de persécution. Dieu élève Jésus comme un signe pour les univers.

Appendice : La mort de Jésus est claire dans les évangiles
30 Et quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit: Tout est accompli. Et ayant baissé la tête, il rendit l’esprit.

Les autres évangiles sont d’accord sur le déroulement

42 Et il disait à Jésus: Seigneur, souviens-toi de moi, quand tu seras entré dans ton règne. 43 Et Jésus lui dit: Je te le dis en vérité, tu seras aujourd’hui avec moi dans le paradis. 44 Il était environ la sixième heure, et il se fit des ténèbres sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. 45 Le soleil s’obscurcit, et le voile du temple se déchira par le milieu. 46 Et Jésus s’écriant d’une voix forte, dit: Mon Père, je remets mon esprit entre tes mains. Et ayant dit cela, il expira.

Chez Jean encore, il rend l’esprit et l’on voit un détail supplémentaire :

30 Et quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit: Tout est accompli. Et ayant baissé la tête, il rendit l’esprit. 31 Or, les Juifs, de peur que les corps ne demeurassent sur la croix le jour du sabbat (car c’était la préparation, et ce sabbat était un grand jour), demandèrent à Pilate qu’on rompît les jambes aux crucifiés, et qu’on les enlevât. 32 Les soldats vinrent donc et rompirent les jambes au premier, puis à l’autre qui était crucifié avec lui. 33 Mais lorsqu’ils vinrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui rompirent point les jambes.

Un autre passage de Jean explique ce qu’il fait :

15 Comme mon Père me connaît, et que je connais mon Père; et je donne ma vie pour mes brebis.
16 Et j’ai d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie; il faut aussi que je les amène; et elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau et un seul berger.
17 Voici pourquoi mon Père m’aime; c’est que je donne ma vie, pour la reprendre.
18 Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même; j’ai le pouvoir de la quitter, et le pouvoir de la reprendre; j’ai reçu cet ordre de mon Père.

Voilà tout simplement : “Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même; j’ai reçu cet ordre de mon Père.” Les évangiles sont cristal clair : la croix ne tue pas Jésus, personne ne le tue. C’est Dieu qui lui donne le pouvoir de rendre l’âme. De même Dieu la finalité est que Dieu l’élève :

(Jean 3,14) “De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle”

La théologie du Coran est donc précise et circoncise au texte biblique, elle en donne une meilleure lecture.

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Omar, les qurra’ et la conquête de l’Iraq

La Conquete de l’Iraq

Après la mort de Muhammad en 632, des tribues de la péninsule arabique attaquent Medine et Oman, car elles refusent de payer la zakat, qui redistribue l’argent vers les pauvres. Abu Bakr dirige la défense de Médine puis la reconquête de la péninsule, qui se convertit ou retourne dans l’Islam. Ce sont les guerres de l’apostasie (haroub al ridda). Lors de la bataille de Yamama, la dernière égion, au nord de l’arabie, un nombre important de qurra’, les mémorisateurs et réciteurs du Coran, va mourrir au combat. Ce qui va pousser Abu Bakr à compléter rapidement la compilation du Coran par écrit pour assurer la continuité de sa mémorisation. Pour comprendre ce danger, il faut savori que depuis le début de la prédication de Muhammad opposé aux riches marchands de La Mecque, l’Islam a toujours été une religion menacée, fuyant et combattant pour assurer sa survier. Créant ainsi un groupe solidaire dont beaucoup sont à la fois des savants et combattants, ce qui semble définir les qurra’. En 636 Omar, qui a succédé à Abu Bakr, va étendre L’Islam vers la Syrie et l’Iraq en remportant les bataille de Yarmouk (Syrie) et Qadysshia (Iraq). Et libèrer l’Iraq du règne des Perses Sassanides.

L’armée qui conquiert l’Iraq est composée de combattants musulmans ayant participés à la conquête de Syrie (bataille de Yarmouk en Syrie), de combattants médinois, ainsi que d’un nombre important de bédouins issues des tribues arabes fraichement reconquises. Les combattants ayant participé à cette bataille (ou celle de Yarmouk concomitente en Syrie) seront distingués de ceux parmi les arabes qui rejoindront après. En effet, la date d’entrée dans l’Islam marque dans l’esprit collectif le degré d’adhésion au projet de l’Islam. Ils seront appellés “ahl al-ayyam”, à l’opposé des “ridda”, rejoignant après la bataille, et venus de tribues souvent plus renommées, mais qui se sont révoltés pendant les guerres de l’apostasie.

L’afflux d’argent permet à Omar d’établir un état social dans toutes les terres conquises, particulièrement en Irak et en Egypte, la Syrie restant gérée principalement par les Quraysh, qui deviendront les Omeyyades.

  • en plus de la zakat, établissement de l’impot sur les terres conquises : kharaj impot foncié sur les terres, jyzaya par personne sur les nons musulmans
  • les plus pauvres ne sont pas soumis à l’impots qui reçoivent une aide prise sur le trésor
  • redistribution de l’impot sur les musulmans selon leur date d’entrée dans l’Islam. Ceux qui ont émmigrés à Médines et les Ansars touchent respectivement 5.000 à 3,000 dirhams par ans. Ceux qui ont participé Yarmouk ou Qaddyshia, (‘’ahl al-Qādisiyyah’’) 3000 et 2000 respectivement. Selon le moment de leur arrivée, les ridda touchent de 1500 à 250.
  • enfin, en Iraq dont l’arsitocratie a fuit a fuit, la oummah gère collectivement les terres

Omar écide de fonder deux Amsars, Kufa et Basra, villes garnisons qui abriteront les combattants de l’Islam nouvellement arrivés. Le Sawad, les terres d’Iraq, vont être considérés comme un bien collectif administré par les habitants des amsars, ahl al fay. Omar va lancer des travaux d’irrigations autour du Tigre et de la ville de Basra, pour augmenter les terres fertiles. Ceux qui les cultivaient, libérés des Sassanides, continuent à les exploiter en échange d’une taxe (dhimmmi). Les terres en friches sont attribuées à ceux qui se chargent de les défricher et les cultiver. Les terres abandonnée par la famille royale, l’aristocratie perse er le clergé zoroastrien, sont sont données en responsabilité à ahl al fay. La population de Kufa fût ensuite formée d’immigrants arabes venant soit de la région de La Mecque, soit du sud de l’Arabie, d’Hadramaout et du Yémen (le quartier des najranites est formée de personne exilées de Najran). Omar, qui donna des terres de juifs arabes à ses guerriers, reloclisa les juifs de Khaybar dans un quartier de Koufa en 640. Des juifs, mais aussi des chrétiens habitaient la ville. Les éxilés politiques y étaient aussi envoyés.

“Plus que simples garnisons, Omar mettre beaucoup d’espoir d’y former la base d’un monde nouveau, islamique. Parmi les divers centres des territoires conquis par les Arabes à l’époque d’Omar, Kufa était le centre où l’ordre politique et social envisagé par Omar semblait réussir à s’enraciner. Au début de son volume de biographies de kufains, Ibn Sa’d enregistre un certain nombre de traditions selon lesquelles Omar faisait référence aux kufains comme ra’s ahl al-Islam, jumjumat al-Islam etc., nous sommes en droit de demander pourquoi les Syriens ou, disons les Basrans, n’ont pas été ciblés pour un tel commentaire. La réponse à cela semble être que le système qu’Omar aspirait à établir était mieux servi par l’hétérogénéité de la population Kufaine. Ceux des Arabes qui ont saisi la première occasion de se battre et se sont rendus en Syrie étaient organisés en groupements relativement larges et cohérents. Dans les territoires de Basra, Tamimis et Bakris prédominaient et seule une poignée d’environ 300 « premiers venus » étaient venus de plus loin. A Kufa, d’autre part, ces « premiers venus » étaient peut-être au nombre de 10 000 ou plus et étaient d’une composition hétéroclite dans laquelle il y avait une relative absence de grands clans ou groupes de clans dominants. Cela reflétait une caractéristique importante des premières conquêtes, à savoir, que la Syrie était d’abord considérée comme le front principal, puis Jazira, tandis que l’Irak était considéré comme un front secondaire. L’idée de ‘Umar était que Kufa devait être dar hijra pour les musulmans, et ses colons étaient des muhajirin des premiers venus. Le système ‘irdafa et la fraternité de la hijra formant la base acceptée de la société. La présence de 370 premiers sahaba domiciliés à Kufa l’a vraisemblablement fortifié dans cet espoir. Les Kufains pouvaient prétendre que les plus éminents des Compagnons de Muhamad avaient élu domicile dans cette ville : non seulement Ibn Abu Waqqas, Abu Musa et Ali ; mais aussi Abd Allah ibn Mas’ud, Salman le Persan, Ammar ibn Yasir et Huzayfa ibn Yaman.” Partiellement traduit de “Kufan Political Alignments and Their Background in the Mid-Seventh Century A.D.” Martin Hinds

Les qurra’

La première référence de qurra’ a lieu pour des troupes emmennées par Abu Bakr dans l’assaut de Yammama, quand se fait le souci d’un trop grand nombre de pertes de haffiz parmi les combattants, ce qui pousse on l’a vu au rassemblement par écrit du Coran. La conquête de l’Iraq amène donc à Kufa et Basra tout un parti de bédouins et de croyants de divers horizons rassemblés au service de la cause musulmane, la conquête, et l’entretien des terres du Sawad. Déracinés de leur héritage tribal, dont ils gardent un certain héritage démocratique et égalitaire qui trouve écho dans les versets du Coran. C’est parmi eux qu’évoluent un groupe appellé qurra’, ceux qui récitent le Quran. Ils appartiennent à l’armée dont ils touchent la solde, le ‘ata’, sur le trésor confié par Omar à Ibn Mas’ud. Deux personnages dont la réputation est l’intégrité morale et sociale ne fait aucun doute. Abu Musa Al Ashari va demandé à Omar qu’ils puissent obtenir un solde de 2000 dhirams, ce qu’il n’obtint pas. Cela indique qu’une partie des qurra’ émergent à Kufa et Basra au delà des premiers combattants. De nombreux rapports font état parmi eux de mawali, des convertits non arabes. La position sociale des soldats et de ces villes est particulière, elles regroupent des gens de plusieurs horizons, déracinés de leur environnement d’origine pour la conquête où l’exil forcé. Ils ne sont ni paysan, ni marchands, mais vivent sur le kanz, l’argent de l’Islam. Ils ont la gestion collective de la plupart des terres d’Iraq. On a donc une classe à part, dont l’adhésion au “parti” de l’Islam est la raison d’être et la condition économique. La présence des qurra’ et la tâche de mémoriser le Coran fait l’enjeu grandissant de la récitation à Kufa et Basra, où l’on récite, discute et entretient la mémoire du Coran. Des gens comme Ibn Mas’ud, Abu Musa al Ashari, Hassan al Basri, vivent dans ce milieu. Il y a Kuffa des récitations concurentes, en particliers celles d’Abu Musa et de Ibn Mas’ud, qui sont récités dans deux quartiers différents de la ville.

Abu Musa Al Ashari

Abu Musa al Ashari est un bon exemple por comprendre ce que sont les qurra’. Convertit dès la période mécquoise, il retourna au Yemen d’où il revient, passant par l’Abyssinye, avec 50 convertis dont deux de ses frères et rejoint le Prophète à Khaybar en 628. Il participa à l’expedition de Dhat al-Riqa, puis fût nommé gouverneur du Yemen. Sous Abu Bakr il y combattit pendant les guerres de l’apostasie, puis rejoint la conquête de l’Iraq sous Omar. Où il fût appointé gouverneur de Basra pendant 12 ans et entreprit des travaux d’irrigations. Il rejoint la conquête de l’empire Sassanide en tant que commandant. Il fût nommé gouverneur de Kufa pendant un courte période sur demande des qurra’ en remplacement de Ammar ibn Yasir. En même temps, il est réputé comme un savant dans l’Islam : il possède une recension du Coran avec ses propres notes, son receuil est similaire à celui d’Ubay ibn Ka’b. Et sa récitation est en compétition à Kufa avec celle d’Ibn Mas’ud. Sha`bi dit que le savoir peut être demandé de six perosnnes : `Umar, `Ali, Ubayy, Ibn Mas`ud, Zayd et Abu Musa. Safwan b. Saleem dit que sous le Prophète, personne n’était consulté en religion sauf `Umar, `Ali ibn abi Talib, Mu`adh and Abu Musa. Rentré tôt dans l’Islam, une des principales figures de la récitation du Coran, il participe aux combats et à la vie politique de la Oumma, ainsi qu’aux travaux d’irrigation du Sawad.

Ibn Mas’ud

Ibn Mas’ud fut le quatrième ou sixième converti, après sa rencontre avec Muhammad et Abu Bakr. Il participa à l’émigration en Abyssinie, à Médine, à Badr. Proche de Muhammad depuis sa conversion précoce à la Mecque, il fait partie du noyau durs de partisans de Muhammad, déjà à l’époque de Dar al arqam. Il participe à la conquête de la Syrie et de l’Iraq sous le mandat de Omar qui le nommera responsable du Trésor (comptes publics). Il participe à la fondation de Kuffa, où il s’installe et contrôle la gestion des comptes publics pour lesquels il rend de comptes à Omar. C’est en assurant cette fonction stratégique qu’il entrera en conflit avec Sa’d Ibn Al Waqqas qui lui sera jugé pour détournement de fonds et corruption par les habitants de Kuffa. Il fait partie des quatre grands collecteurs et commentateurs du Coran connus chez les sunnites. Il possède une recension du Coran célèbre, dont il sera question souvent à l’avenir. Omar justifie la nomination d’Ibn Masud et Amar par ce verset :

  • 28.5.وَنُرِيدُ أَن نَّمُنَّ عَلَى الَّذِينَ اسْتُضْعِفُوا فِي الْأَرْضِ وَنَجْعَلَهُمْ أَئِمَّةً وَنَجْعَلَهُمُ الْوَارِثِينَ
  • 28.5. Or, Nous voulions apporter Notre aide à ces opprimés sur Terre, pour faire d’eux des dirigeants et des héritiers,

Conflits d’intérêts

Omar, faisant face à la rapide expansion de l’Islam et des revenus, essaye de mettre en place une structure juste, redistributive et favorisant l’établissement des converyis à la nouvelle religion. La période atteste néammoins d’un enrichissement des chefs de guerre et d’une concurence entre eux pour prendre les butins, confisquer les terres en destiutuant leurs propriétaires. Certains gouverneurs civils piquent dans la caisse, dont Sa’d Ibn al Waqqas qui insulte Ibn Mas’ud responsable du trésor de l’état. Sous le khalifa d’Omar se forme une classe marchande, militaire et adminsitrative qui s’établit en propriétaire fonciers et risque de dominer la suite. On observe une même contradiction dans le monde paysan et dans le monde militaire entre une aristocratie en formation et ceux qui vivent de la terre et de l’état musulman. Omar destitue à tour de bras les gouverneurs, et divise par deux la fortune de tous ceux qui piquent dans la caisse. Il va malheureusement accuser injustement certains, comme Khalid Ibn al Walid. Mais aussi va prendre sur le fait Muawyia et Abu Sufyan en Syrie, va leur confisquer l’argent mais ne va pas les destituer pour “des raisons politiques” qui restent à établir. La volonté d’Omar de construire une direction politique de la Oumma qui soit irréprochable se lit dans sa compréhension des enjeux du pouvoir et sa lutte acharnée contre la corruption. Il sera assassiné avant d’avopir pu finir toutes ces tâches.

Sources

  • Khaled Ridha, Le Prophète de l’Islam et les Califes. p. 219-221
  • Pour une vue sur le califat d’Omar et la problématique des terres et des taxes, traduire cette page du russe : Oleg Georgievich Bolshakov du russe (use translate) http://gumilevica.kulichki.net/HOC/hoc25.htm#hoc25para04
  • Kûfan Political Alignments and their Background in the Mid-Seventh Century A.D., Cambridge University Press: 29 January 2009, Martin Hinds

Une réflexion sur « Omar, les qurra’ et la conquête de l’Iraq »

  1. l’article ne porte pas sur l’aspect de la conquête elle même. j’ai gardé le terme de conquêtes, pensant qu’il vaut mieux d’abord assumer cet aspect objectif de l’expansion militaire de l’Islam. c’est dans ce cadre qu’ on peut discuter du pourquoi et du comment.

    Déjà dans un premier temps, il faut remarquer que dès avant l’Islam l’extansion économique de La Mecque la met en en concurence avec les Sassanides et Hira, avec le royaume Hymiarite et l’Abyssinie et avec Byzance, ce qui provoque déjà des conflits. Après quelques victories offensives et defensives, en 602, les Quraysh ont établi La Mecque comme une place centrale qui défend militrairement ses intérets commerciaux face à ses concurents. Ils se sont imposés face à Himyar (Yemen), Hira (Iraq), à ses rivaux Ghassanides et Lakhmides et derrière eux aux empires Byzantins et Sassanides.
    Ensuite l’Islam va naitre dans un conflit pour la justice à l’intérieur de la société mecquoise, avec la ligue des vertueux (le hilf al fudhul). L’Islam comme on le sait commence dans une dynamique d’opposition avec les Quraysh à La Mecque. Dar Al Arqam rassemble les premiers convertis. C’est cette dynamique d’abord interne à la société mecquoise qui va après la victoire sur les Quraysh à Badr s’étendre sur les territoires du Hijjaz déjà sous domination mecquoise à l’époque de Muhammad. Elle repose dès l’origine sur un désir de justice et de partage. L’impot levé sur le hijaz, la Zakkat montre bien cette tendance.

    Notons que c’est le refus des tribues de payer la zakkat qui va déclencher les guerres ridda menées par Abu Bakr et la reconquête militaire du Hijaz. Il y a donc plusieurs dynamique en cours, la prolongation de l’empire commerçant quraysh et de ses intérets, la conquête militaire, un désir de justice sociale et la convertion religieuse. Il faut les considérer comme un tout qui arme cette dynamique.
    Les conquêtes suivantes à l’époque de Omar sont la prolongation de cette dynamique contre les empires byzantins (Syrie, Egypte) et sassanides (Iraq).
    Notons qu’Omar met en place directement une répartition par l’impot, dont les pauvres dans les territoires conquis sont exempts. Et les paysans libérés du controle impérial pour passer sous le controle bien plus souple de l’Islam en matière politique et religieuse. Territoires qui voient la prolongation du commerce mecquois, en particulier la Syrie ou les Quraysh vont s’installer, et un nouvel impot sur les noms musulmans la jizya. L’impot y compris jizya est moindre que ce qui était ponctionné par les empires. Pour tous les chrétiens considérés hérétiques par Rome ou les Perses, l’Islam apporte la liberté religieuse. Pour les juifs aussi. Pour la population, surtout les pauvres et les convertis, l’Islam correspond à une nouvelle situation potentiellement avantageuse.

    Il faut donc assumer le terme de conquête militaire des territoires sur les empires, car c’est ce qui s’est passé. Le pillage va remplir les coffres de l’Islam. Maintenant cette conquete se fait dans le cadre de l’extension mecquoise, mais avec les valeurs de l’Islam initiée par Muhammad, et qui seront portée par Abu Bakr et Omar et l’armée musulmane. Il est donc nécessaire d’étudier dans un deuxième temps quel a été le résultat pour les différentes populations conquises. Et si vous avez des liens où certains veulent écrire à ce sujet, on pourra les rajouter sur le site.

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Hukman, sagesse, jugement

Il semble qu’il n’y ai qu’un seul mot, dont le sens soit sagesse et jugement. il est bien possible que les deux sens ne soient pas différenciés. En effet les trois mots utilisés pour traduire  الْحُكْمَ sont sagesse, jugement, decision. C’est à dire trois étapes d’un seul processus : comprendre, estimer et décider.

De nombreuses occurences après le verbe “donner” se tradusient le mieux par sagesse :

رَبِّ هَبْ لِي حُكْمًا وَأَلْحِقْنِي بِالصَّالِحِينَ

وَلُوطًا آتَيْنَاهُ حُكْمًا وَعِلْمًا

Ici la sagesse et la prophétie fait bien référence aux livres hébreux dits “sapientiaux” et “prophétiques”. Le singulier en fait une qualité transmise par Dieu.

وَلَقَدْ آتَيْنَا بَنِي إِسْرَائِيلَ الْكِتَابَ وَالْحُكْمَ وَالنُّبُوَّةَ

Quand il s’agit de Dieu, le sens tend plus fortement vers celui de décision, Allah comprend et juge, mais surtout ses jugements sont décisifs :

إِنِ الْحُكْمُ إِلَّا لِلَّهِ يَقُصُّ الْحَقَّ وَهُوَ خَيْرُ الْفَاصِلِينَ

أَلَا لَهُ الْحُكْمُ وَهُوَ أَسْرَعُ الْحَاسِبِينَ

فَاصْبِرْ لِحُكْمِ رَبِّكَ وَلَا تُطِعْ مِنْهُمْ آثِمًا أَوْ كَفُورًا

Mais pas seulement ici il prend plus le sens de jugement :

وَمَا اخْتَلَفْتُمْ فِيهِ مِنْ شَيْءٍ فَحُكْمُهُ إِلَى اللَّهِ

Ce vers ci est très beau :

 إِنِ الْحُكْمُ إِلَّا لِلَّهِ أَمَرَ أَلَّا تَعْبُدُوا إِلَّا إِيَّاهُ

Vous n’adorez en dehors de Lui que des noms que vous avez donnés, vous et vos ancêtres, bien qu’Allah n’en ai donné aucune preuve.

Certes le jugement n’appartient qu’à Dieu, Il a ordonné que vous suiviez ses signes.

Telle est la religion intègre, mais la plupart des gens ne savent point.

Le verbe “suivre” indique bien la direction dans la vie, qui doit traduire le choix opéré par Dieu et infiqué par Ses “signes”, qui guident sur le chemin. Le verbe “ordonner” porte bien le sens de décision, que le croyant doit suivre lui aussi, donc recevoir en pratique cette sagesse.

قُلْ إِنِّي نُهِيتُ أَنْ أَعْبُدَ الَّذِينَ تَدْعُونَ مِنْ دُونِ اللَّهِ ۚ قُلْ لَا أَتَّبِعُ أَهْوَاءَكُمْ ۙ قَدْ ضَلَلْتُ إِذًا وَمَا أَنَا مِنَ الْمُهْتَدِينَ {56}

قُلْ إِنِّي عَلَىٰ بَيِّنَةٍ مِنْ رَبِّي وَكَذَّبْتُمْ بِهِ ۚ مَا عِنْدِي مَا تَسْتَعْجِلُونَ بِهِ ۚ إِنِ الْحُكْمُ إِلَّا لِلَّهِ ۖ يَقُصُّ الْحَقَّ ۖ وَهُوَ خَيْرُ الْفَاصِلِينَ {57}

6.56 Il m’a été interdit de servir ceux que vous invoquez en dehors d’Allah. Dis : « Je ne suivrais pas vos passions : je me serais fourvoyé et ne serais point de ceux qui sont guidés. » 6.57 Dis : « Je tiens sur une évidence de mon Seigneur, alors que vous l’avez démenti. Il n’y a pas chez moi ce vers quoi vous vous empressez. Certes la sagesse n’est qu’en Dieu. Il narre le réel et Il est le meilleur des distinguant (الْفَاصِلِينَ).

Encore une fois il s’agis de faire des choix et de se guider selon ce qu’Allah donne, car il est celui qui comprend et raconte ce qu’il se passe, et « juge », c’est-à-dire sépare, distingue. Il est le meilleur des juges, des arbitres, …

En conclusion, dans le Coran, il n’y a qu’un seul terme pour l’action de comprendre les mécanismes du réel et prendre une décision à l’intérieur. Ainsi il ne s’agit pas de deux moments séparé, mais distinguer dans le réel ce qui est souhaitable c’est vouloir le suivre plutôt que les passions qui ne donnent rien. On voit bien que les occurrences du terme hukman chez Dieu correspondent à se guider pour le croyant.

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