Nafs et Ruḥ, l’âme et l’esprit

Les textes monothéistes proposent deux mots liés au souffle. Nafs c’est la respiration, propre à la personne, ruḥ c’est le vent, qui lui est extérieur, c’est un don : Dieu donne le ruḥ, et le récupère. Nafs désigne la personne et a dès le début été traduit par âme. Ruḥ c’est l’esprit, que Dieu descend sur ses serviteurs, ou Ruḥ al Qudus, L’Esprit Saint.   

Quelques mentions de nafs.

2.72 وَإِذْ قَتَلْتُمْ نَفْسًا فَادَّارَأْتُمْ فِيهَا  

« et quand vous aviez tué une personne et disputiez à son propos. »  

Le mot désigne un être humain à part entière, celui qu’on tue.

 كُلُّ نَفْسٍ ذَائِقَةُ الْمَوْتِ ۗ وَإِنَّمَا تُوَفَّوْنَ أُجُورَكُمْ يَوْمَ الْقِيَامَةِ ۖ فَمَنْ زُحْزِحَ عَنِ النَّارِ وَأُدْخِلَ الْجَنَّةَ فَقَدْ فَازَ ۗ وَمَا الْحَيَاةُ الدُّنْيَا إِلَّا مَتَاعُ الْغُرُورِ

« Toute âme [est] goutant la mort. Et votre rémunération vous sera complètement acquittée le jour de la résurrection. Quiconque sera distancié du feu et sera introduit au paradis aura certainement gagné. La vie terrestre n’est que jouissance et égarement. »

Ici le terme désigne chaque personne humaine prise indépendamment. Encore une fois il s’agit de la personne qui meurt. Ce lien avec la vie est redoublé par la personne ressuscitée. Le mot vie revient d’ailleurs à la fin du verset.

4.95 فَضَّلَ اللَّهُ الْمُجَاهِدِينَ بِأَمْوَالِهِمْ وَأَنْفُسِهِمْ عَلَى الْقَاعِدِينَ دَرَجَةً ۚ

« Dieu favorise en degrés ceux qui luttent par leurs biens et leurs vies sur les sédentaires. »

Ici le terme désigne ceux qui s’engagent eux même dans la lutte. C’est-à-dire qui mette leur vie en jeu. On pense à la vie risquée au combat, mais aussi à la vie engagée, comme sacerdoce, pour la cause de Dieu.

Quelques mentions de ruḥ

Quand Dieu créé l’homme, Il lui insuffle de son souffle, qui le fait vivre. (32.9 ثُمَّ سَوَّاهُ وَنَفَخَ فِيهِ مِنْ رُوحِهِ ۖ وَجَعَلَ لَكُمُ السَّمْعَ وَالْأَبْصَارَ وَالْأَفْئِدَةَ ۚ قَلِيلًا مَا تَشْكُرُونَ ; Ensuite Il le forma et inssufla en lui de Son Esprit. Et Il conçu pour vous l’ouïe, la vue et les sensations. Peu vous remerciez.) Notez les outils de la perception qui suivent, ce sont ceux que recouvrent ceux qui rejettent la parole (le verbe kafara signifient recouvrir). C’est quand l’homme reçoit l’Esprit de Dieu que les anges doivent se prosterner vers Adam (15.28 وَإِذْ قَالَ رَبُّكَ لِلْمَلَائِكَةِ إِنِّي خَالِقٌ بَشَرًا مِنْ صَلْصَالٍ مِنْ حَمَإٍ مَسْنُونٍ .29 فَإِذَا سَوَّيْتُهُ وَنَفَخْتُ فِيهِ مِنْ رُوحِي فَقَعُوا لَهُ سَاجِدِينَ ; « Et lorsque ton Seigneur dit aux anges, je vais créer une chaire d’argile, d’une malléable alluvion noire, 29. et quand je l’aurais formé et soufflé en lui de Mon Esprit, alors tombez vers lui prosternés. »).

Si ce souffle est donné à tous les hommes et les anime, c’est aussi l’Esprit Saint qui fortifie le Messie Jésus comme dans les Evangiles (2.87 وَآتَيْنَا عِيسَى ابْنَ مَرْيَمَ الْبَيِّنَاتِ وَأَيَّدْنَاهُ بِرُوحِ الْقُدُسِ ; Et nous avions donné à ‘Isa, le fils de Maryam, les clarifications et le soutenions par l’Esprit Saint.) Notez aussi la mention de « bayanât », expliquer, manifester, qui accompagne la mention de l’Esprit. Pour le Prophète Muhammad, l’Esprit est le moyen de la révélation des choses qu’il ne connait pas encore. (42.52 وَكَذَٰلِكَ أَوْحَيْنَا إِلَيْكَ رُوحًا مِنْ أَمْرِنَا ۚ مَا كُنْتَ تَدْرِي مَا الْكِتَابُ وَلَا الْإِيمَانُ وَلَٰكِنْ جَعَلْنَاهُ نُورًا نَهْدِي بِهِ مَنْ نَشَاءُ مِنْ عِبَادِنَا ۚ وَإِنَّكَ لَتَهْدِي إِلَىٰ صِرَاطٍ مُسْتَقِيمٍ ; Et comme celà nous révelions pour toi par l’Esprit (ruhan), selon notre ordre. Tu ne connaissais pas le Livre ni la foi. Mais Nous l’avions conçu lumineux (nuran). Nous guidons par lui qui Nous voulons de Nos serviteurs. Et toi pour que tu guides vers un chemin droit.) Notez le parallèle avec la lumière. L’Esprit est dans ces cas le vecteur de la révélation (40.15 رَفِيعُ الدَّرَجَاتِ ذُو الْعَرْشِ يُلْقِي الرُّوحَ مِنْ أَمْرِهِ عَلَىٰ مَنْ يَشَاءُ مِنْ عِبَادِهِ لِيُنْذِرَ يَوْمَ التَّلَاقِ ; Elevé en degré, fort du trône, Il lance l’Esprit par Son ordre sur qui Il veut parmi Ses serviteurs pour avertir du jour de la rencontre). Ce que l’on retrouvera encore de manière étendu dans la sourate Les Abeilles (16.2 يُنَزِّلُ الْمَلَائِكَةَ بِالرُّوحِ مِنْ أَمْرِهِ عَلَىٰ مَنْ يَشَاءُ مِنْ عِبَادِهِ ; Les anges descendent avec l’Esprit par Son ordre sur qui Il veut parmi Ses serviteurs. (…) 16.102 قُلْ نَزَّلَهُ رُوحُ الْقُدُسِ مِنْ رَبِّكَ بِالْحَقِّ لِيُثَبِّتَ الَّذِينَ آمَنُوا وَهُدًى وَبُشْرَىٰ لِلْمُسْلِمِينَ ; Dit : l’a descendu l’Esprit Saint de la part de ton Seigneur avec la vérité pour raffermir ceux qui croient et un guide et une bonne nouvelle pour les musulmans.) Et qui concerne d’une certaine manière tous les croyants (58.22 ولَٰئِكَ كَتَبَ فِي قُلُوبِهِمُ الْإِيمَانَ وَأَيَّدَهُمْ بِرُوحٍ مِنْهُ ; Ceux-là Il a écrit dans leurs coeurs la foi et les a renforcé d’un Esprit de Lui.)

Conclusion

Le nafs est la personne dans son ensemble, comprise comme un ensemble autonome, celui qui sera jugé pour ses actions. Mais un ensemble dynamique, vivant : la respiration c’est le mouvement du corps. On peut considérer que l’âme c’est la dynamique d’une personne. Le ruḥ, c’est toujours le souffle, mais la partie qui est reçue. On dit que Dieu descend l’esprit sur les personnes, c’est la révélation, Dieu explique. Il y a là une parabole tirée du vivant, la dialectique entre la respiration et le vent. Il y a ma respiration, nafs, et l’air qui me vient de l’exterieur, ruh.

Cette métaphore filée au court des textes permet de rendre intelligible l’action de Dieu, Le parallèle récurrent entre la descente de l’eau et celle de l’esprit, figure comment Dieu fait vivre l’intelligence comme il descend l’eau pour faire vivre la terre.

L’Esprit est présent au jour dernier, sa venue est annoncée après Dieu, et en parallèle de celle des anges (ils étaient mentionnés également ensembles en 16.2) :

78.38 يَوْمَ يَقُومُ الرُّوحُ وَالْمَلَائِكَةُ صَفًّا

« Le jour où se lève l’esprit ; et les anges (sont) en rang. »

Cette mention du vent (riḥ) vaux la peine d’être faite :

7.57 وَهُوَ الَّذِي يُرْسِلُ الرِّيَاحَ بُشْرًا بَيْنَ يَدَيْ رَحْمَتِهِ

« Et c’est Lui qui envoie les vents, bonne nouvelle de l’arrivée de Sa miséricorde. »

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