Omar, les qurra’ et la conquête de l’Iraq

La Conquete de l’Iraq

Après la mort de Muhammad en 632, des tribues de la péninsule arabique attaquent Medine et Oman, car elles refusent de payer la zakat, qui redistribue l’argent vers les pauvres. Abu Bakr dirige la défense de Médine puis la reconquête de la péninsule, qui se convertit ou retourne dans l’Islam. Ce sont les guerres de l’apostasie (haroub al ridda). Lors de la bataille de Yamama, la dernière égion, au nord de l’arabie, un nombre important de qurra’, les mémorisateurs et réciteurs du Coran, va mourrir au combat. Ce qui va pousser Abu Bakr à compléter rapidement la compilation du Coran par écrit pour assurer la continuité de sa mémorisation. Pour comprendre ce danger, il faut savori que depuis le début de la prédication de Muhammad opposé aux riches marchands de La Mecque, l’Islam a toujours été une religion menacée, fuyant et combattant pour assurer sa survier. Créant ainsi un groupe solidaire dont beaucoup sont à la fois des savants et combattants, ce qui semble définir les qurra’. En 636 Omar, qui a succédé à Abu Bakr, va étendre L’Islam vers la Syrie et l’Iraq en remportant les bataille de Yarmouk (Syrie) et Qadysshia (Iraq). Et libèrer l’Iraq du règne des Perses Sassanides.

L’armée qui conquiert l’Iraq est composée de combattants musulmans ayant participés à la conquête de Syrie (bataille de Yarmouk en Syrie), de combattants médinois, ainsi que d’un nombre important de bédouins issues des tribues arabes fraichement reconquises. Les combattants ayant participé à cette bataille (ou celle de Yarmouk concomitente en Syrie) seront distingués de ceux parmi les arabes qui rejoindront après. En effet, la date d’entrée dans l’Islam marque dans l’esprit collectif le degré d’adhésion au projet de l’Islam. Ils seront appellés “ahl al-ayyam”, à l’opposé des “ridda”, rejoignant après la bataille, et venus de tribues souvent plus renommées, mais qui se sont révoltés pendant les guerres de l’apostasie.

L’afflux d’argent permet à Omar d’établir un état social dans toutes les terres conquises, particulièrement en Irak et en Egypte, la Syrie restant gérée principalement par les Quraysh, qui deviendront les Omeyyades.

  • en plus de la zakat, établissement de l’impot sur les terres conquises : kharaj impot foncié sur les terres, jyzaya par personne sur les nons musulmans
  • les plus pauvres ne sont pas soumis à l’impots qui reçoivent une aide prise sur le trésor
  • redistribution de l’impot sur les musulmans selon leur date d’entrée dans l’Islam. Ceux qui ont émmigrés à Médines et les Ansars touchent respectivement 5.000 à 3,000 dirhams par ans. Ceux qui ont participé Yarmouk ou Qaddyshia, (‘’ahl al-Qādisiyyah’’) 3000 et 2000 respectivement. Selon le moment de leur arrivée, les ridda touchent de 1500 à 250.
  • enfin, en Iraq dont l’arsitocratie a fuit a fuit, la oummah gère collectivement les terres

Omar écide de fonder deux Amsars, Kufa et Basra, villes garnisons qui abriteront les combattants de l’Islam nouvellement arrivés. Le Sawad, les terres d’Iraq, vont être considérés comme un bien collectif administré par les habitants des amsars, ahl al fay. Omar va lancer des travaux d’irrigations autour du Tigre et de la ville de Basra, pour augmenter les terres fertiles. Ceux qui les cultivaient, libérés des Sassanides, continuent à les exploiter en échange d’une taxe (dhimmmi). Les terres en friches sont attribuées à ceux qui se chargent de les défricher et les cultiver. Les terres abandonnée par la famille royale, l’aristocratie perse er le clergé zoroastrien, sont sont données en responsabilité à ahl al fay. La population de Kufa fût ensuite formée d’immigrants arabes venant soit de la région de La Mecque, soit du sud de l’Arabie, d’Hadramaout et du Yémen (le quartier des najranites est formée de personne exilées de Najran). Omar, qui donna des terres de juifs arabes à ses guerriers, reloclisa les juifs de Khaybar dans un quartier de Koufa en 640. Des juifs, mais aussi des chrétiens habitaient la ville. Les éxilés politiques y étaient aussi envoyés.

“Plus que simples garnisons, Omar mettre beaucoup d’espoir d’y former la base d’un monde nouveau, islamique. Parmi les divers centres des territoires conquis par les Arabes à l’époque d’Omar, Kufa était le centre où l’ordre politique et social envisagé par Omar semblait réussir à s’enraciner. Au début de son volume de biographies de kufains, Ibn Sa’d enregistre un certain nombre de traditions selon lesquelles Omar faisait référence aux kufains comme ra’s ahl al-Islam, jumjumat al-Islam etc., nous sommes en droit de demander pourquoi les Syriens ou, disons les Basrans, n’ont pas été ciblés pour un tel commentaire. La réponse à cela semble être que le système qu’Omar aspirait à établir était mieux servi par l’hétérogénéité de la population Kufaine. Ceux des Arabes qui ont saisi la première occasion de se battre et se sont rendus en Syrie étaient organisés en groupements relativement larges et cohérents. Dans les territoires de Basra, Tamimis et Bakris prédominaient et seule une poignée d’environ 300 « premiers venus » étaient venus de plus loin. A Kufa, d’autre part, ces « premiers venus » étaient peut-être au nombre de 10 000 ou plus et étaient d’une composition hétéroclite dans laquelle il y avait une relative absence de grands clans ou groupes de clans dominants. Cela reflétait une caractéristique importante des premières conquêtes, à savoir, que la Syrie était d’abord considérée comme le front principal, puis Jazira, tandis que l’Irak était considéré comme un front secondaire. L’idée de ‘Umar était que Kufa devait être dar hijra pour les musulmans, et ses colons étaient des muhajirin des premiers venus. Le système ‘irdafa et la fraternité de la hijra formant la base acceptée de la société. La présence de 370 premiers sahaba domiciliés à Kufa l’a vraisemblablement fortifié dans cet espoir. Les Kufains pouvaient prétendre que les plus éminents des Compagnons de Muhamad avaient élu domicile dans cette ville : non seulement Ibn Abu Waqqas, Abu Musa et Ali ; mais aussi Abd Allah ibn Mas’ud, Salman le Persan, Ammar ibn Yasir et Huzayfa ibn Yaman.” Partiellement traduit de “Kufan Political Alignments and Their Background in the Mid-Seventh Century A.D.” Martin Hinds

Les qurra’

La première référence de qurra’ a lieu pour des troupes emmennées par Abu Bakr dans l’assaut de Yammama, quand se fait le souci d’un trop grand nombre de pertes de haffiz parmi les combattants, ce qui pousse on l’a vu au rassemblement par écrit du Coran. La conquête de l’Iraq amène donc à Kufa et Basra tout un parti de bédouins et de croyants de divers horizons rassemblés au service de la cause musulmane, la conquête, et l’entretien des terres du Sawad. Déracinés de leur héritage tribal, dont ils gardent un certain héritage démocratique et égalitaire qui trouve écho dans les versets du Coran. C’est parmi eux qu’évoluent un groupe appellé qurra’, ceux qui récitent le Quran. Ils appartiennent à l’armée dont ils touchent la solde, le ‘ata’, sur le trésor confié par Omar à Ibn Mas’ud. Deux personnages dont la réputation est l’intégrité morale et sociale ne fait aucun doute. Abu Musa Al Ashari va demandé à Omar qu’ils puissent obtenir un solde de 2000 dhirams, ce qu’il n’obtint pas. Cela indique qu’une partie des qurra’ émergent à Kufa et Basra au delà des premiers combattants. De nombreux rapports font état parmi eux de mawali, des convertits non arabes. La position sociale des soldats et de ces villes est particulière, elles regroupent des gens de plusieurs horizons, déracinés de leur environnement d’origine pour la conquête où l’exil forcé. Ils ne sont ni paysan, ni marchands, mais vivent sur le kanz, l’argent de l’Islam. Ils ont la gestion collective de la plupart des terres d’Iraq. On a donc une classe à part, dont l’adhésion au “parti” de l’Islam est la raison d’être et la condition économique. La présence des qurra’ et la tâche de mémoriser le Coran fait l’enjeu grandissant de la récitation à Kufa et Basra, où l’on récite, discute et entretient la mémoire du Coran. Des gens comme Ibn Mas’ud, Abu Musa al Ashari, Hassan al Basri, vivent dans ce milieu. Il y a Kuffa des récitations concurentes, en particliers celles d’Abu Musa et de Ibn Mas’ud, qui sont récités dans deux quartiers différents de la ville.

Abu Musa Al Ashari

Abu Musa al Ashari est un bon exemple por comprendre ce que sont les qurra’. Convertit dès la période mécquoise, il retourna au Yemen d’où il revient, passant par l’Abyssinye, avec 50 convertis dont deux de ses frères et rejoint le Prophète à Khaybar en 628. Il participa à l’expedition de Dhat al-Riqa, puis fût nommé gouverneur du Yemen. Sous Abu Bakr il y combattit pendant les guerres de l’apostasie, puis rejoint la conquête de l’Iraq sous Omar. Où il fût appointé gouverneur de Basra pendant 12 ans et entreprit des travaux d’irrigations. Il rejoint la conquête de l’empire Sassanide en tant que commandant. Il fût nommé gouverneur de Kufa pendant un courte période sur demande des qurra’ en remplacement de Ammar ibn Yasir. En même temps, il est réputé comme un savant dans l’Islam : il possède une recension du Coran avec ses propres notes, son receuil est similaire à celui d’Ubay ibn Ka’b. Et sa récitation est en compétition à Kufa avec celle d’Ibn Mas’ud. Sha`bi dit que le savoir peut être demandé de six perosnnes : `Umar, `Ali, Ubayy, Ibn Mas`ud, Zayd et Abu Musa. Safwan b. Saleem dit que sous le Prophète, personne n’était consulté en religion sauf `Umar, `Ali ibn abi Talib, Mu`adh and Abu Musa. Rentré tôt dans l’Islam, une des principales figures de la récitation du Coran, il participe aux combats et à la vie politique de la Oumma, ainsi qu’aux travaux d’irrigation du Sawad.

Ibn Mas’ud

Ibn Mas’ud fut le quatrième ou sixième converti, après sa rencontre avec Muhammad et Abu Bakr. Il participa à l’émigration en Abyssinie, à Médine, à Badr. Proche de Muhammad depuis sa conversion précoce à la Mecque, il fait partie du noyau durs de partisans de Muhammad, déjà à l’époque de Dar al arqam. Il participe à la conquête de la Syrie et de l’Iraq sous le mandat de Omar qui le nommera responsable du Trésor (comptes publics). Il participe à la fondation de Kuffa, où il s’installe et contrôle la gestion des comptes publics pour lesquels il rend de comptes à Omar. C’est en assurant cette fonction stratégique qu’il entrera en conflit avec Sa’d Ibn Al Waqqas qui lui sera jugé pour détournement de fonds et corruption par les habitants de Kuffa. Il fait partie des quatre grands collecteurs et commentateurs du Coran connus chez les sunnites. Il possède une recension du Coran célèbre, dont il sera question souvent à l’avenir. Omar justifie la nomination d’Ibn Masud et Amar par ce verset :

  • 28.5.وَنُرِيدُ أَن نَّمُنَّ عَلَى الَّذِينَ اسْتُضْعِفُوا فِي الْأَرْضِ وَنَجْعَلَهُمْ أَئِمَّةً وَنَجْعَلَهُمُ الْوَارِثِينَ
  • 28.5. Or, Nous voulions apporter Notre aide à ces opprimés sur Terre, pour faire d’eux des dirigeants et des héritiers,

Conflits d’intérêts

Omar, faisant face à la rapide expansion de l’Islam et des revenus, essaye de mettre en place une structure juste, redistributive et favorisant l’établissement des converyis à la nouvelle religion. La période atteste néammoins d’un enrichissement des chefs de guerre et d’une concurence entre eux pour prendre les butins, confisquer les terres en destiutuant leurs propriétaires. Certains gouverneurs civils piquent dans la caisse, dont Sa’d Ibn al Waqqas qui insulte Ibn Mas’ud responsable du trésor de l’état. Sous le khalifa d’Omar se forme une classe marchande, militaire et adminsitrative qui s’établit en propriétaire fonciers et risque de dominer la suite. On observe une même contradiction dans le monde paysan et dans le monde militaire entre une aristocratie en formation et ceux qui vivent de la terre et de l’état musulman. Omar destitue à tour de bras les gouverneurs, et divise par deux la fortune de tous ceux qui piquent dans la caisse. Il va malheureusement accuser injustement certains, comme Khalid Ibn al Walid. Mais aussi va prendre sur le fait Muawyia et Abu Sufyan en Syrie, va leur confisquer l’argent mais ne va pas les destituer pour “des raisons politiques” qui restent à établir. La volonté d’Omar de construire une direction politique de la Oumma qui soit irréprochable se lit dans sa compréhension des enjeux du pouvoir et sa lutte acharnée contre la corruption. Il sera assassiné avant d’avopir pu finir toutes ces tâches.

Sources

  • Khaled Ridha, Le Prophète de l’Islam et les Califes. p. 219-221
  • Pour une vue sur le califat d’Omar et la problématique des terres et des taxes, traduire cette page du russe : Oleg Georgievich Bolshakov du russe (use translate) http://gumilevica.kulichki.net/HOC/hoc25.htm#hoc25para04
  • Kûfan Political Alignments and their Background in the Mid-Seventh Century A.D., Cambridge University Press: 29 January 2009, Martin Hinds
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Une réflexion sur « Omar, les qurra’ et la conquête de l’Iraq »

  1. l’article ne porte pas sur l’aspect de la conquête elle même. j’ai gardé le terme de conquêtes, pensant qu’il vaut mieux d’abord assumer cet aspect objectif de l’expansion militaire de l’Islam. c’est dans ce cadre qu’ on peut discuter du pourquoi et du comment.

    Déjà dans un premier temps, il faut remarquer que dès avant l’Islam l’extansion économique de La Mecque la met en en concurence avec les Sassanides et Hira, avec le royaume Hymiarite et l’Abyssinie et avec Byzance, ce qui provoque déjà des conflits. Après quelques victories offensives et defensives, en 602, les Quraysh ont établi La Mecque comme une place centrale qui défend militrairement ses intérets commerciaux face à ses concurents. Ils se sont imposés face à Himyar (Yemen), Hira (Iraq), à ses rivaux Ghassanides et Lakhmides et derrière eux aux empires Byzantins et Sassanides.
    Ensuite l’Islam va naitre dans un conflit pour la justice à l’intérieur de la société mecquoise, avec la ligue des vertueux (le hilf al fudhul). L’Islam comme on le sait commence dans une dynamique d’opposition avec les Quraysh à La Mecque. Dar Al Arqam rassemble les premiers convertis. C’est cette dynamique d’abord interne à la société mecquoise qui va après la victoire sur les Quraysh à Badr s’étendre sur les territoires du Hijjaz déjà sous domination mecquoise à l’époque de Muhammad. Elle repose dès l’origine sur un désir de justice et de partage. L’impot levé sur le hijaz, la Zakkat montre bien cette tendance.

    Notons que c’est le refus des tribues de payer la zakkat qui va déclencher les guerres ridda menées par Abu Bakr et la reconquête militaire du Hijaz. Il y a donc plusieurs dynamique en cours, la prolongation de l’empire commerçant quraysh et de ses intérets, la conquête militaire, un désir de justice sociale et la convertion religieuse. Il faut les considérer comme un tout qui arme cette dynamique.
    Les conquêtes suivantes à l’époque de Omar sont la prolongation de cette dynamique contre les empires byzantins (Syrie, Egypte) et sassanides (Iraq).
    Notons qu’Omar met en place directement une répartition par l’impot, dont les pauvres dans les territoires conquis sont exempts. Et les paysans libérés du controle impérial pour passer sous le controle bien plus souple de l’Islam en matière politique et religieuse. Territoires qui voient la prolongation du commerce mecquois, en particulier la Syrie ou les Quraysh vont s’installer, et un nouvel impot sur les noms musulmans la jizya. L’impot y compris jizya est moindre que ce qui était ponctionné par les empires. Pour tous les chrétiens considérés hérétiques par Rome ou les Perses, l’Islam apporte la liberté religieuse. Pour les juifs aussi. Pour la population, surtout les pauvres et les convertis, l’Islam correspond à une nouvelle situation potentiellement avantageuse.

    Il faut donc assumer le terme de conquête militaire des territoires sur les empires, car c’est ce qui s’est passé. Le pillage va remplir les coffres de l’Islam. Maintenant cette conquete se fait dans le cadre de l’extension mecquoise, mais avec les valeurs de l’Islam initiée par Muhammad, et qui seront portée par Abu Bakr et Omar et l’armée musulmane. Il est donc nécessaire d’étudier dans un deuxième temps quel a été le résultat pour les différentes populations conquises. Et si vous avez des liens où certains veulent écrire à ce sujet, on pourra les rajouter sur le site.

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